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- La langue des signes

Il règne au sein du monastère une vie austère, ritualisée et réglée par le son des cloches. Prières Liturgiques, pratique des vertus monacales, travail et silence, telle est la vocation du moine selon la règle de St Benoît. Le silence en est un des principes fondamentaux, mis en avant par les 1ers Pères du Monachisme. C'est un élément jugé indispensable pour aider les moines à surmonter le péché qu’ils s’étaient engagés à vaincre. Pour Basile le Grand, le respect de la règle du silence permet aux novices de développer la maîtrise de soi tout en contribuant aux progrès de l'étude, pour Benoît de Nursie, c’est instrument des bonnes oeuvres. Pourtant, pour la bonne marche de leurs occupations quotidiennes ponctuées par le travail, la méditation et le repos, les religieux ont à échanger des informations. Ils ont élaboré un moyen qui ne perturbe pas le silence des autres en utilisant un langage qui semble remonter au tout début du Monachisme, "la langue des signes monastique". Il est probable que Robert de Molesmes avait adopté, et adapté, l’un de ces systèmes à Molesmes, système ensuite transmis au nouveau monastère de Cîteaux.

Ce système doit permettre la transmission d’informations pratiques en silence plutôt que d’être un outil de communication. Une liste de Clairvaux répertorie 227 signes, qui couvrent les domaines de la vie monastique, la nourriture, la boisson, les objets liturgiques et ecclésiastiques, les membres de la communauté, les bâtiments, les ustensiles. Des lexiques de ce type, plus ou moins longs, sont également utilisés tous les jours dans les autres monastères de l’Ordre. La rigueur de la règle rend son application difficile et les moines se montrent réticents à l’appliquer. Ainsi, le "Chapitre Général" met plusieurs fois la communauté en garde contre ce langage également utilisé pour les conversations plus futiles voire les Plaisanteries. L’application de la règle, se relâchant au fil des siècles, entraîne la disparition de ce système de langage par signes, au (XVIIème siècle), pratiquement plus aucun monastère ne l'applique significativement. La réforme de la "Stricte Observance", du père Armand de Rancé de l'abbaye de La Trappe à partir de (1664), lui redonnera un nouvel élan.

- La nécropole

La renommée du monastère est telle que les Ducs de Bourgogne de la 1ère génération, les descendants d’Hugues Capet, choisissent ce haut lieu de la chrétienté pour sépulture. Plus de 60 membres de la maison de Bourgogne y seront ensevelis. Eudes Ier, (†1102) mort en Palestine, qui, transporté, est inhumé en (1103), son fils Hugues II (†1143), son fils Henri de Bourgogne (†1178), évêque d’Autun, Eudes II (†1162) ainsi que son fils Hugues III (†1192) à Tyr, Eudes III (†1218) à Lyon, et citons également le dernier de la lignée des Ducs Capétiens, Philippe de Rouvres († 1361). Ainsi que des personnages célèbres et moins célèbres tels, le Bienheureux Alain de Lille, docteur universel, Convers de Cîteaux (†1202) ou (1203), Bernard de Clairvaux, Guy de Bourgogne, Archevêque de Vienne et légat du pape, devenu lui même pape sous le nom de Calixte II, le 10 (†1124), Robert de Bourgogne, Comte de Tonnerre (†1315), Agnès de France, fille de Louis IX, Perrenot de Champdivers (†1348) bourgeois de Dijon, Philippe de Vienne, (†1303), seigneur de Pagny, Philippe Pot, (†1494) Sénéchal de Bourgogne, et bien sûr Prélats, Prieurs et Religieux. Durant des siècles, les plus précieux monuments et les sanctuaires les plus chers ont offert aux vénérables une paix éternelle en ce lieu. Mais l'Abbaye est vendue sous la Révolution. L'adjudicataire en a fait son profit, tombeaux et pierres tombales sont saccagés. Seul vestige rescapé, le célèbre tombeau de Philippe Pot, exclu de la vente comme bien National, est aujourd’hui visible au musée du Louvre.

- Dom François Trouvé

Dernier abbé de l’Ancien Régime. Fils du président du grenier à sel de Champagne sur Vingeanne, Dom François Trouvé nait en ce lieu en (1711). Après avoir quitté Cîteaux, François Trouvé se retire chez son neveu Barthélemy Trouvé à Vosne Romanée. C’est là qu’il trouve la mort le 26 Avril (†1797). Ancien moine de Cîteaux et alors qu’il était Prieur de l’abbaye de la Clarté Dieu, il est élu le 25 Novembre (1748), à l’âge de 37 ans, abbé de Cîteaux par les religieux de l’abbaye ayant droit au vote, et 45 Prieurs ou Abbés de l’Ordre. Un religieux de la maison rapporte qu’après son élection, F. Trouvé sera pris de la crainte d’être empoisonné, comme cela arriva en (1671) à dom Jean Petit, l’un de ses prédécesseurs, au moment des querelles de la réforme, et qu’il prendra longtemps du contrepoison. D’autres propos ou témoignages dévoilent une facette plus inquiétante du personnage. Une lettre du Nonce à Rome du 4 Novembre (1771) parle de lui en ces termes :

"Il conviendrait de réprimer l’insolence de l’abbé Dom Trouvé que tous regardent comme un mauvais sujet, dilapidateur des biens de l’Ordre. Il en a été plusieurs fois question comme je l’ai appris et dans le conseil on a fait des voeux ardents mais l’argent qu’il a semé et le vin excellent dont il a régalé, lui ont procuré à la Cour des protecteurs suffisants."

Les journaux révolutionnaires de l’époque qui révélèrent qu’il fit enfermer en (1783) Dom Patouillot pendant (18) mois dans une cage de bois de 2m,60 nous le montrent sous un jour impitoyable et cruel. Les mauvais traitements de moines à la forte personnalité pouvant menacer l’autorité de l’Abbé ne sont pas des cas si isolés. Aux (XVIIème siècle) et (XVIIIème siècle), il y eut Dom Duchemin enlevé, Dom Larcher mis en prison, et Dom Cotheret exilé. Enfin, l’abbé Piot reconnait qu’il avait du mal à gouverner une communauté très indisciplinée qui comptait à cette époque 51 Religieux, dont 27 Prêtres, 13 non Prêtres et 11 Convers.

- la Révolution

Talleyrand, évêque d’Autun, député aux États Généraux, membre du Comité de Constitution de l'Assemblée Nationale, donne le 10 Octobre (1789) sa "Motion sur la nationalisation des biens ecclésiastiques". Cette proposition, adoptée par les députés le 2 Novembre (1789), met tous les biens ecclésiastiques à la disposition de la Nation Française. Le 13 Février (1790) sonne l’heure de la chute, l’Assemblée décrète l'abolition des Congrégations et Ordres Religieux, et ordonne de procéder à la vérification des comptes de toutes les maisons religieuses. A Cîteaux, le climat interne devient aussi tumultueux que celui qui règne dans le monde extérieur. Les relations entre les religieux et Dom Trouvé à l’autorité déjà fortement contestée, se tendent. Les moines se réunissent au chapitre et exigent de l’abbé, afin de garantir leurs droits, qu’il rende ses comptes et qu’il présente l’inventaire exigé par le décret. Dom Trouvé leur oppose un refus. La révolte gronde parmi les moines à Cîteaux. Le 20 Avril, il faut l’intervention du gouverneur de Bourgogne, de Bourbon Busset, pour rétablir la paix. Le 24 Avril, les moines décident de faire appel à des avocats de Dijon pour faire répondre Dom Trouvé de la vente de mobilier, bétail et linge qu’il aurait effectuée en secret.

"Les religieux ne le reconnaissaient plus comme Supérieur et voulaient s’emparer de tout. Certains religieux avaient même essayé de soustraire les objets précieux en démolissant la voûte du trésor". "L’abbaye était en état de guerre".

* 1790 : le 1er Mai , un détachement de 14 artilleurs du Régiment de La Fère en garnison à Auxonne, envoyé sur décision du Directoire du District, arrive sur place pour rétablir et maintenir l’ordre.
* 1790 : les 2 et 3 Mai, les religieux sont invités à faire part de leur choix entre le maintien à la vie commune ou le retour à la vie privée, sur les 5 Religieux recensés, auxquels il faut ajouter 7 Convers, 31 Religieux optent pour la vie privée et 14 pour la vie commune.
* 1790 : le 4 Mai, Dom Trouvé, face à cette révolte, préfère quitter Cîteaux pour l’abbaye de La Bussière. Lorsque le 15 Octobre, il veut reparaître au monastère, craignant pour sa sécurité, il se fait accompagner de 2 commissaires du district. Du 4 au 15 mai a lieu un ensemble d’inventaires.
* 1790 : le 8 Septembre, les moines se livrent au pillage des objets précieux que les commissaires du district ont entreposés. Le 12, jour où éclate une querelle entre les moines, arrivent les commissaires chargés de faire l’inventaire des objets volés. Les estimations et ventes de matériels divers ont lieu les 10 Septembre, 15 Octobre, 7 et 28 Décembre (1790).
* 1791 : le 24 Janvier à la veille de la vente du concernant 207 instruments aratoires, un nouveau recensement dénombre 15 Religieux et 5 Convers, tous quittent Cîteaux autour du 10 Mai (1791). Les bâtiments et seulement 800 hectares de terre, non compris mobilier et objets précieux sont estimés les 24 Février et 13 Mars (1791) pour une somme de 482.000 livres.
* 1791 : les 29 et 30 Avril, puis les 3 et 6 Mai les 10.353 volumes qui se trouvent place dans la bibliothèque sont enlevés dans 14 voitures chargées avec l’aide des canonniers de La Fère, parmi lesquels, d’après le témoignage de L.B. Baudot, se trouvait peut être le lieutenant Bonaparte pour être déposés dans la salle des Festins, aujourd’hui salle de Flore au Palais des États de Dijon, lieu de dépôt des livres nationaux du district.
* 1791 : le 4 Mai, Cîteaux est acquis par la société formée à dessein par les nommés Duleu, Dardelin, Bossinot, Latey et Gentils de Dijon contre la somme de 862.000 livres, mais la société est rapidement déclarée en faillite.
* 1791: le 31 Mai, Jean François Xavier Fromme d’Amance, tuteur onéraire des 3 petits enfants de Philippe Guillaume Tavernier de Boullongne (1712)-(†1791), connu sous le nom de Boullongne de Magnanville, est mis en possession de l’abbaye pour le compte des enfants. Il fait aussitôt commencer la démolition systématique des bâtiments pour tirer parti des matériaux. L’orgue, qui datait de l'Abbatiat de Jean XI Loisier (1540)-(1559) et qui était placé au-dessus de la grande porte d'entrée de l'église, connaît aussitôt un sort funeste, l’étain est vendu et le buffet utilisé comme bois de chauffage.

- Le temps des Boullongne

Les enfants Boullongne conservent quelques bâtiments. Il leur faut tenir une noble vie à Cîteaux et comme l’Abbatiale construite par Dom Trouvé répondait à ce besoin, elle échappe au marteau destructeur. Elle devient le château d'Herminie de Boullongne. Mariée en (1792) à Bernard François de Chauvelin, ce dernier se retrouve, par sa femme, propriétaire de cet imposant complexe qu’il convertit en une demeure prestigieuse appelée le château de Cîteaux. A côté du château, Chauvelin fait encore construire en (1814) une grande Orangerie.

La bibliothèque du (XVIème siècle) perd la moitié de ses voûtes lors de sa transformation en (1804) en un théâtre de 500 places. Le bâtiment du Définitoire, édifié sous l’abbatiat de Dom Jean Petit (1685) et achevé en (1699), est transformé en Sucrerie entre (1824) et (1839), elle reçoit les honneurs d’une visite de Casimir Périer en (1829).

L’entente entre les 3 enfants Boullongne ne durera pas. L’an (VI) (1797)-(1798), un 1er partage met la fille cadette, émigrée, hors de la propriété. En l’An (X) (1801)-(1802), Auguste et Herminie Tavernier, malgré la signature d’accords concernant l’indivision, se mettent à se faire des procès qui s’étireront sur plus de (30) années. Après (1832), elle parvient à se défaire de l’indivision et son frère doit se contenter du domaine séparé de La Forgeotte. Après la mort sans postérité de Chauvelin, son mari, devenue seule propriétaire du domaine, elle décide en (1841) de s’en séparer et cherche un acheteur.