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- l'Ordre de Grandmont

L'Ordre de Grandmont est un ordre Monastique Catholique originaire du Limousin fondé vers (1076) et dissous en (1772), répandu de l’Angleterre à l’Espagne. Issu de l’Erémitisme tout en y mêlant des traits Cénobitiques, l’ordre est caractérisé par sa règle et la diffusion de son modèle architectural, conforme à la réforme Grégorienne.

Pour comprendre l’architecture Grandmontaise, il convient d’évoquer la Règle de St Etienne, rédigée après sa mort, mais reflet fidèle de son enseignement, "Imiter les Pères du Désert et vivre l’Evangile à la lettre, sans les concessions habituelles dues à la faiblesse humaine ou aux contingences du siècle". Elle définissait une forme de vie monastique originale, presque paradoxale, une sorte d’érémitisme communautaire, inconnu jusqu’alors en Occident, et vécu par quelques religieux seulement, dans un cadre restreint, La Celle".

Elle imposait une solitude rigoureuse et le refus de toute fonction paroissiale, les Celles, établies dans des lieux déserts, souvent au milieu des forêts, n’abritaient que quelques moines, de 6 à 12 en général. Au voeu de pauvreté individuelle des Frères s’ajoutait une exigence de pauvreté collective, chaque maison ne devait pas posséder plus de terres et de revenus que le strict nécessaire pour vivre. En conséquence, "ni dîme, ni troupeaux importants, ni domaines éloignés", elle ne devait même pas posséder des archives, "afin de ne pouvoir rien réclamer de ce qui est contesté, et n’avoir jamais de procès". Avec la stabilité et l’obéissance au "Correcteur "Prieur", les Frères étaient astreints au silence, aux jeûnes fréquents et à l’abstinence perpétuelle. A l’office quotidien dans la chapelle, s’ajoutait un rude travail manuel dans les bois, aux champs ou aux ateliers. Seuls les clercs "moines prêtres", d’ailleurs peu nombreux au début, étaient exclusivement voués à la prière et à la vie contemplative.

Cette vie ascétique était tempérée par une conception assez souple de la clôture et par le devoir de charité et d’hospitalité, pauvres et pèlerins étaient accueillis sous le Porticum, galerie de bois aménagée à cet effet au Nord de l’église, et un logement, avec cheminée, était prévu pour héberger les hôtes dans l’aile Ouest du monastère. L’église, ouverte directement sur l’extérieur par un portail plus orné, était accessible aux laïcs qui pouvaient partager la prière des religieux. les bâtiments monastiques habituels "chapitre, salle de travail, dortoir, réfectoire, cellier et dépendances", disposés autour d’un petit cloître, devaient refléter par leur extrême simplicité et leur dépouillement absolu, la spiritualité exigeante de l’ordre. Celui ci, suite à des crises internes d’ordre disciplinaire et financier, dût à 2 reprises être réformé pour survivre. D’abord en (1317) avec la création par le pape Jean XXII de véritables prieurés conventuels, ensuite en (1643), où la reforme dite de "l’étroite observance", accorda un sursis à l’ordre sans toutefois parvenir à le sauver. Lorsqu’il fut supprimé en (1772), il comptait à peine 100 religieux.

La Vita, écrite pour le dossier de canonisation d’Étienne au (XIIème siècle), le présente comme un fondateur d’ordre. Cependant, il reste Diacre, il ne revêt ni l’habit des Moines, ni celui des Chanoines. Étienne et ses 1ers compagnons se distinguent par leur choix d’une vie d’excessive pauvreté. Il interdit toute possession de terres au delà des bornes du domaine, tout animal hormis les abeilles. Muret est si peu étendu que les ermites vivent des dons suscités par leurs prières. Étienne et ses Frères pratiquent les travaux manuels, les cultures de subsistance, sans règle, dans leur enclos, loin du monde. Son fidèle disciple Hugues de La Certa, né au château de Châlus en (1071), transmet son idéal de vie et sa doctrine fondée sur l’Évangile, c’est la base de la Règle de l’Ordre.

- Installation à Grandmont

Les 1ères communautés rassemblent dans un strict esprit d’égalité 2 catégories très différentes. D’abord les Frères Lais, plus tard appelés Convers chargés de la gestion puis les Frères Prêtres ou Clercs qui mènent une vie contemplative et dépendent des 1ers, telle est l’originalité de Grandmont.

A la mort du fondateur, le 8 Février (1124), en fait, en (1125) dans le calendrier actuel, car le changement d'année se faisait le 25 Mars dans le Limousin à cette époque. Pierre de Limoges, Prêtre, devient responsable des Frères Prieur. A la suite des chicanes avec leurs voisins Bénédictins d'Ambazac et sans doute à la décision de l’évêque de Limoges, il décide de s’installer à Grandmont commune de St Sylvestre, à 5 km d’Ambazac. Le lieu se trouve en frontière des terres de l’évêque dans les domaines du comté de la Marche. Le seigneur du lieu, Amélius de Montcocu, leur ayant donné tout le terrain nécessaire, les moines ont alors entrepris d'y construire un oratoire et les cellules. Dès qu'ils furent bâtis, en (1125), les frères quittèrent Muret en procession, emmenant le corps d'Étienne de Muret, et s'établirent à Grandmont sous la direction du Prieur Pierre de Limoges.

Vers (1150)-(1160), le 4ème Prieur, Étienne de Liciac (1139)-(1163) condensa dans une règle les exemples et les enseignements du fondateur. Une 1ère mouture de la règle de Grandmont serait acceptée par le pape en (1156). Le pape Alexandre III confirme la règle vers (1171). En (1188), le pape Clément III approuve ce texte, une des dernières fois où une nouvelle règle est acceptée. Autre fait notable, Étienne est canonisé en (1189).

L’érémitisme disparait peu à peu de l’Église Latine pour être remplacé par le Cénobitisme. Certains, parmi les Frères Lais, appartiennent à la petite noblesse. Habitués à gérer les affaires familiales, la Règle leur confie le temporel, source de l’impression d’assujettissement des Clercs. Le Prieur les choisit aussi pour diriger les Celles, ces petites dépendances. Les Clercs se trouvèrent par cette institution soumis aux laïques qu’ils auraient dû gouverner entièrement suivant la pratique de tous les autres religieux, d’où les crises dans l’ordre. Accusés de vouloir régler le spirituel, les Frères Lais perdent peu à peu tout pouvoir dans un monde qui met en avant les Clercs. Pour ces derniers, la règle parait trop austère, les papes l’assouplissent. Cette évolution a pour arrière fond l’intérêt d’Henri II Plantagenêt pour Grandmont. Il s’en sert de base pour contrôler le Limousin et ses vassaux. Lui même, ses fils participent à la construction des bâtiments à l’essor de l’ordre en "Aquitaine, Poitou, Anjou, Normandie, Angleterre". Aux nouvelles implantations Plantagenêt répondent les fondations du Roi de France, 159 Celles entre (1124) et (1274). Plus de 80 % des actes de fondation se situent entre (1189), date de la canonisation du fondateur, et (1216). Les nouvelles fondations reçoivent des rentes ou des dîmes, un domaine. Les Grandmontains qui bâtissent des monastères miniatures, autre spécificité, dans un carré d’une trentaine de mètres ne vivent plus dans le 1er idéal de pauvreté. Les maîtres d’oeuvre diffusent le savoir faire de Grandmont dans les Celles. L’art s’épanouit. Des bâtiments imposants s’élèvent à Grandmont. Les mécènes commandent des oeuvres remarquables, "orfèvrerie, vitraux, émaux, tissus, manuscrits".

-Réorganisation du XIVe siècle
apogée et chute

Cependant les dissensions persistent tout au long du (XIIIème siècle). Par conséquent en (1317), le pape Jean XXII réorganise l’Ordre. Grandmont est érigé en Abbaye chef d’ordre. Le pape conserve 39 maisons élevées au rang de Prieurés, elles regroupent une quinzaine de Frères chacune. Les autres deviennent de simples mini monastères "des Celles", domaines agricoles rattachés à un prieuré ou à la maison Mère. Pendant les Guerres de 100 ans, l’autorité du Roi d’Angleterre s’affaiblit à Grandmont. L’emprise du Roi de France sur les Abbés augmente.

Malgré les vicissitudes des guerres de 100 Ans, de la Commende et des guerres de Religion, les archives de Grandmont nous révèlent une Seigneurie Ecclésiastique qui se maintient. Elle a des droits de justice de banalité. Tout au long de son histoire, l’abbaye est exempte de tailles et autres droits et profite de la conjoncture pour accroître son patrimoine. C’est pendant le (XVIIème siècle) et grâce à l’endettement des tenanciers qu’elle rachète ou saisit des tènements jusque là laissés en emphytéose. On parle de ces "messieurs de Grandmont". Les abbés s’accrochent aux idées de la Ligue, se rapprochent de la Contre Réforme. Ils tentent sans succès de lutter contre le laisser aller, s’attellent à de grands projets de reconstruction des bâtiments de l’abbaye.

Au (XVIIIème siècle), Charles Frémon, Abbé de Grandmont, propose une réforme de "stricte observance", mais seules quelques maisons l’adoptent. Le refus des autres religieux et la convoitise de l’évêque entraînent la suppression de l’Ordre par la Commission des Réguliers en (1772). Cela entraîne vite la dispersion totale de la centaine de religieux qui subsistaient. Les sites grandmontains sont vendus à la Révolution. Des entrepreneurs démolissent les bâtiments pour récupérer les matériaux. Les bâtiments de l’abbaye de Grandmont sont démolis en (1817).

- Bilan

Réconfort de générations d’hommes par son secours spirituel ou social, le monde Grandmontain révèle le pouvoir sur les hommes de Cénobites, habiles gestionnaires. S’il séduit par sa règle, souvenir de son origine Erémitique, il vit constamment en symbiose avec le contexte politique et économique. Une reviviscence de l’esprit insufflé par St Étienne a eu lieu en (1979), en Indre et Loire, sur la commune de Villeloin Coulangé près de Loches. Dans un ancien ermitage Grandmontain fondé par Henri II Plantagenêt, 3 frères vivent de "l’évangile et de la croix" en communion avec toute l’Église au sein du Prieuré N.D. et St Étienne de Villiers.

- Aujourd'hui

Le Prieuré St Michel (XIIème siècle) existe toujours au domaine de Grandmont, juste à côté de Soumont, près de Lodève. Il a encore son église et son cloître. Passé entre plusieurs mains, il fut possédé par des vignerons après la disparition de l’Ordre, ses actuels propriétaires, la famille Bec, lui ont rendu son aspect, malgré quelques traces de modifications de leurs prédécesseurs. Il possède enfin des vestiges encore plus anciens, des "sarcophages wisigothiques", donc antérieurs au Prieuré, et un "dolmen du IIème millénaire avant Jésus Christ." d’où l’on a une superbe vue sur les environs.

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