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Glossaire - Biographies
l'Abbaye - Chronologie - les Abbés
Photos - Intérieur

- le Déclin de Hautecombe

Au début du (XVème siècle), le régime de la Commende prend de l'ampleur dans les Abbayes Cisterciennes, notamment à Hautecombe. Ce régime, disparu au (XIXème siècle), permet à un Ecclésiastique Séculier, à l'origine un évêque seulement, ou même à un Laïc de prendre le contrôle financier et juridique d'une Abbaye, même s'il n'a aucune influence sur la discipline régulière Monastique. Ce régime, existant depuis le haut Moyen Age, est vivement combattu par de nombreux Papes, notamment Benoît XII, mais réapparaît plusieurs fois, à la suite d'évènements exceptionnels comme l'invasion de la Corse par les Sarrasins ou la Papauté d'Avignon. A Hautecombe, le 1er Abbé Commendataire est Pierre II Bolomier, nommé en (1438) par Félix V.

La réputation du monastère se détériore assez rapidement, à tel point qu'une tentative de l'ordre Cistercien est faite en (1473) pour supprimer la Commende, le Chapitre Général réuni à Cîteaux n'obtient pas le soutien escompté du Pape Sixte IV qui s'avoue impuissant à combattre ces excès. C'est en particulier cette crise qui amène à la création de la branche des Trappistes. Par décret de l'Antipape Félix V, l'abbaye de Hautecombe annexe le 6 Mars (1443) le Prieuré Bénédictin de St Innocent, qui connaît alors la même décadence. Perceval de la Baume, évêque de Belley, est également Abbé Commendataire, puis Jean des Chênes et Sébastien d'Orlyé. Ce dernier, grâce à une famille puissante, peut requérir des privilèges supplémentaires pour l'Abbaye, en particulier le droit d'élever des Gibets et la juridiction sur les Etrangers, droit qui avait toujours été refusé aux Abbayes, en tant que privilège exclusif du souverain. L'abbaye se constitue ainsi en puissance féodale et non plus spirituelle.

Le Duché de Savoie est alors en proie à une grande instabilité politique, du fait de nombreux décès, le trône change de main 7 fois en 20 ans, ce qui entraîne également une grande instabilité monastique à Hautecombe. En (1504), le Pape Jules II bataille pour imposer Claude Ier d’Estavayer, Abbé Commendataire, contre us et coutumes d'alors, comme Abbé régulier de Hautecombe, publiant jusqu'à 7 Bulles le 24 Janvier (1504) pour passer outre les convenances du Chapitre de Cîteaux. Cet Abbé est notamment connu pour avoir fait construire le Vestibule de l'église Abbatiale, appelé aujourd'hui "Chapelle de Belley ou chapelle du Roi", et dédiée à St Bernard. Cet ouvrage s'ouvrait au Nord, et fut très décrié au (XIXème siècle), à la restauration de l'Abbaye, il fut maintenu mais son ouverture rétablie à l'Ouest. Une chronique datée du 31 Mars (1521), jour de Pâques, le passage de Dom Edme, Abbé de Clairvaux, et de 7 de ses compagnons, de retour d'Italie, l'état spirituel du Monastère y est décrit comme assez mauvais :

    "les religieux dudit monastère mangent de chair, de quoi mondit seigneur fut fort marry. Il y avait audit Monastère XXXIII Religieux, tous peu savants et assez ingrats à ce que j'en su connaître".

A la disparition de Claude, Paul III fait nommer Abbé son Neveu, le Cardinal Alexandre Farnèse, dont on n'a aucune preuve qu'il soit venu à Hautecombe. Le déclin s'accentue donc. Les Abbés Commendataires du monastère jusqu'à Alexandre Farnèse et la vacance de 3 ans du Siège Abbatial , (1438)-(1444).

Le Cardinal de St Georges, en accord avec le supérieur de l'ordre Cistercien, s'efforce de mettre un frein aux pratiques des moines de Hautecombe. En témoigne une lettre datée du 3 Juin (1549), du frère Jean, Abbé de Cîteaux, tentant de s'opposer à (I siècle) de régime de Commende, et qui reçoit le soutien du Roi de France Henri II. Cette lettre réaffirme l'interdiction de propriété personnelle des Moines, Convers comme rendus. Il s'ensuit un abandon de nombreux privilèges matériels de l'Abbaye, privilèges qui ne disparaissent pas pour autant puisqu'ils passent à l'Abbé Commendataire, le sentiment d'une mainmise religieuse sur les terres et biens environnants perdure donc, alors que le monastère s'appauvrit.

L'Abbé Alphonse d'Elbène s'inscrit en faux contre cette décadence constante de l'Abbaye. Entré comme Moine à l'Abbaye vers (1560), à 22 ans, il se fait rapidement remarquer pour ses dons littéraires, publication d'un recueil de poésie avec Adrien Turnèbe, rédaction d'une épopée, inachevée sur Amédée VI. Il est nommé Abbé notamment grâce à l'appui de sa compatriote florentine Catherine de Médicis. Ami de Pierre de Ronsard et de Juste Lipse, il est incorporé à l'Académie Florimontane d'Annecy par Antoine Favre et François de Sales, c'est le 1er Historiographe de l'Abbaye d'Hautecombe, et un important historiographe de la maison de Savoie. Il reste Abbé de Hautecombe jusqu'en (1603). La période à laquelle il est Abbé de Hautecombe correspond à celle du règne du Duc Emmanuel Philibert, qui déplace la capitale de ses Etats de "Chambéry à Turin puis crée le Sénat de Savoie". Alphonse d'Elbène milite avec succès pour que l'Abbé de Hautecombe en soit non seulement membre de droit, mais ait le titre de 1er Sénateur. Malgré tout, d'Elbène est plus soucieux de l'importance Politique et de la richesse matérielle de l'Abbaye que de sa Piété, il s'empresse d'accepter le siège épiscopal d'Albi en (1589).

Les bons rapports qu'ont Alphonse d'Elbène avec le Duc de Savoie suivant, Charles Emmanuel Ier, ne survivent pas aux guerres de Religion. En effet, Charles Emmanuel aurait été membre d'un vaste complot visant Henri IV, qui aurait eu pour but de le détrôner le Roi, de diviser la France en plusieurs Etats placés sous la suzeraineté de l'Espagne, et de céder au "Duc de Savoie la Provence, le Lyonnais et le Dauphiné". Alphonse d'Elbène aurait eu connaissance de ce complot, dont il avertit la France en (1594), à la suite de quoi Charles Emmanuel aurait privé l'Abbaye de ses revenus. Cette disgrâce dure au moins jusqu'en (1601), malgré une 1ère et vaine ambassade d'Henri IV auprès du Pape. L'affaire aboutit en (1603) à l'échange des Abbayes de Hautecombe et de Maizières, Alphonse d'Elbène étant de droit, puisqu'en réalité il siégeait dans son évêché d'Albi muté dans cette dernière Abbaye, jusqu'à sa mort en (†1608).

- les Abbés de Saluces

En (1588), durant les guerres de Religion, la Savoie conquiert le Marquisat de Saluces. Le Traité de Lyon de (1601) annexe à la France victorieuse la Bresse et le Bugey, mais affermit l'emprise Savoyarde sur les terres de Saluces. Sylvestre de Saluces est nommé Abbé Commendataire par Bulle du 1er Février (1605). Un inventaire fait à ce moment rapporte notamment que :

    "les murailles et les toitures du vieux couvent où les religieux faisaient autrefois leur demeure sont entièrement ruinées et abattues. Quant aux autres logis, ils sont partout dégradés ou lézardés, les uns doivent être reconstruits entièrement, les autres fortement consolidés".

La plupart des ordres monastiques sont alors en pleine décadence, ce qui est un des objets de la requête de François de Sales, Coadjuteur de l'évêque de Genève, en (1599) à Rome. François s'y plaint de la dissolution des Moines et Moniales qui ont, à l'exception des Chartreux et des ordres Mendiants, largement abandonné leur Règle Monastique, soit en quittant leur Cloître, soit en y vivant mais dans la négligence des règles qui ont prévalu à la constitution de leur Ordre. Il déplore surtout que cette négligence cause un grand scandale chez les habitants alentours et donne des arguments aux détracteurs des monastères et de la Foi. Pour François de Sales, qui s'y rend le 3 Juillet (1606), la rédemption des Moines de Hautecombe est inenvisageable en l'état. De fait, en (1640), au début de la 2ème Vacance qui dura 11 ans, il ne reste qu'11 Moines à l'Abbaye. Le Prieur Brunel, dans une lettre de (1649) à la Duchesse Christine, implore une aide "affin que tous de bonne compagnie nous puissions advancer en la voie du ciel". La Maison de Savoie, en la personne de Charles Emmanuel II, répond en (1651) par la nomination de Dom Antoine de Savoie, son oncle, fils illégitime de Charles Emmanuel Ier comme Abbé, qui demeure en poste 37 ans et est considéré comme un bon Gestionnaire.

Un autre signe du déclin du Monastère est son repli territorial, en (1608) Henri IV confie toutes les Léproseries du Royaume à l'ordre de N.D. du Mont Carmel. L'Hôtel Dieu de Lyon et le pont de la Guillotière sont ainsi retirés de leur charge. Sous la mandature de Dom Antoine, la gestion de la léproserie de la Guillotière par l'abbaye de Hautecombe est également remise en cause, elle s'était déchargé de cette tâche depuis des années sur des Laïcs. Mais elle fait valoir que, d'une part, la charge lui en avait été confiée hors de la juridiction du Roi de France, en (1319), par les Etats de Savoie; et d'autre part qu'on ne pouvait constater aucun défaut de service même si les Moines n'étaient plus eux mêmes responsables de l'établissement. A cette époque, Christine de France, désolée du manque de piété des religieux de Hautecombe, et effarée de leur outrecuidance, l'Abbé va jusqu'à faire couper des bois ne leur appartenant pas, et dont elle doit elle même régler le prix au plaignant, le Comte d'Entremont, envisage à partir de (1636) de soumettre les Cisterciens dissolus à la réforme des Feuillants alors en plein essor, mais en vain.

A cette période, l'Abbaye est plus généralement contrainte de faire de nombreuses concessions aux Seigneurs Locaux "droits de pêche dans le lac, droits du Seigneur de Cessens sur les domestiques du monastère". A la mort de Dom Antoine, en (†1688), un nouvel inventaire est fait, alors que ne restent que 12 moines à l'Abbaye. Il révèle que les réparations préconisées en (1640) ont bien été effectuées, mais pas toujours heureusement dirigées. Les chambres du Dortoir, situées dans le cloître, sont tellement petites et mal éclairées que, malgré leur récente construction, elles sont inhabitables pour les Religieux. L'Abbaye, si elle est en déshérence Spirituelle, conserve une importante propriété foncière, puisqu'elle possède encore des terres sur les territoires de 54 Paroisses.

- Dernier Abbé Commendataire

Jean Baptiste Marelli, alors étudiant à Turin, futur conseiller d'Etat et Président Général des Finances de la Monarchie, est nommé Abbé Commendataire pour remplacer Dom Antoine. La guerre avec la France de Louis XIV ruine la Savoie et fait perdre encore de nombreuses sources de ses revenus à l'Abbaye, puisque ces dernières sont désormais situées en France. Effrayé par le mauvais état de l'Abbaye, le nouvel Abbé Commendataire n'y habite pas mais s'y fait représenter. En outre, il ne s'oppose pas à la mainmise du Sénat de Savoie sur les revenus de l'Abbaye, lequel Sénat en gère désormais les affaires économiques. En (1706), il reste 10 Religieux à l'Abbaye. Un ordre de Victor Amédée II réduit le 1er Janvier (1727) ce nombre à 4. Le bref d'Alexandre VII sur la réforme des Cisterciens ne fait qu'accélérer la décadence de l'ordre.

A la fin de la Commende de Jean Baptiste Marelli, de nombreux revenus et possessions de l'abbaye sont encore aliénés, notamment à Yenne, pendant que le nombre de Moines reste en permanence égal ou inférieur à 10. Entre (1727) et (1749), en particulier sous l’Occupation Espagnole, de notables réparations sont pourtant accomplies dans l'abbaye, sous l'impulsion de Victor Amédée II et sous la conduite du Sénateur Bonaud. Des travaux sont menés lentement sur l'église Abbatiale, remplaçant souvent le Style Gothique originel par des voûtes en plein cintres, plus basses d'environ 4 mètres. A la mort de Marelli, en (†1738), plus aucun Abbé n'est nommé, et l'Abbaye de Hautecombe finit par dépendre d'autres établissements religieux. En (1742), les bâtiments Conventuels sont à leur tour reconstruits, ainsi que le Cloître actuel et la grande façade Sud donnant sur le lac.

La guerre de 7 Ans épuise les fonds qui auraient pu être consacrés aux réparations, l'un des chantiers de reconstruction est entièrement détruit et aucune reconstruction n'est envisagée. La Bulle de Benoît XIV du 1er Avril (1752) unit et incorpore tous les biens et revenus de l'Abbaye à la Mense du Chapitre de la Ste Chapelle du château de Chambéry, ce qui affecte la plupart des recettes restantes à l'entretien de cette dernière. Seuls 4 des tombeaux originels sont encore en bon état à l'époque. Les réparations, menées à leur terme par Victor Amédée III, se terminent en (1788).