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- du flou Monastique à la règle Bénédictine

Avant St Benoît, le Monachisme, sous sa double forme, ascétisme et étude, florissait en Occident depuis plusieurs générations. S'il avait quelque peu souffert de l'invasion des barbares, il avait, en revanche, grandement opéré leur conversion. Les couvents vivent encore au rythme de règles très différentes, ce qui témoigne d'un grand essor Monastique.

Celle de Cassien ou plutôt de Macaire était généralement suivi en Espagne et dans le Sud de la Gaule. La plupart des religieux italiens avaient adopté celle de Basile, que Ruffin avait traduite en latin. Par ailleurs, on a pu dire que St Augustin, évêque d'Hippone, avait rédigé une règle monastique vers (423), mais elle ne fut suivie, paraît il, que dans le Nord de l'Afrique et, plus qu'une règle, c'était plutôt une série de prescriptions tirée des écrits ascétiques de ce grand docteur de l'Eglise. Césaire d'Arles (470)-(542), contemporain de Benoît, mais historiquement son aîné était aussi l'auteur d'une règle sommaire pour les Hommes, laquelle n'a rien de commun avec la constitution de Benoît, et d'une règle fort détaillée pour les Femmes, auxquelles Benoît ne paraît pas avoir jamais songé. Rappelons que cette règle fut tout spécialement écrite pour le couvent de moniales de "St Genest", les Alyscamps, qu'il transfèrera au monastère "St Jean" devenu abbaye St Césaire, que Césaire fondera vers (512) à cause des invasions Franques et Gothiques et après avoir réformé le monastère de Trinquetaille, près d'Arles, vers (499). Il est par contre moins sûr qu'il ait fondé un couvent à Montmajour, mais la légende est tenace, sur cette île où il aimait se retirer, comme le faisait le Grec Trophime d'Arles, 1er évêque de cette ville, vers (250). Pendant ce temps, en Italie, on trouve un monastère qui fut un grand centre d'études religieuses et dont l'influence s'étendit jusqu'en Afrique, nous voulons parler de Lucullanum, fondé par l'évêque abbé Eugippe.

Toutes les règles dont nous avons parlé n'étaient certes pas aussi abouties que celle qu'on attribue à Benoît de Nursie vers (480) à (540), Règle dont Bossuet dira qu'il y voyait un précis du christianisme, un docte et mystérieux abrégé de toute la doctrine de l'Évangile, de toutes les institutions des Sts Pères, de tous les conseils de perfection. C'est donc à bon droit que Benoît de Nursie est regardé comme le 1er législateur des moines d'Occident. St Benoît, appelé parfois Père des moines d'Occident, avait réuni autour de lui un grand nombre de disciples, et il est symboliquement considéré comme le 1er des abbés. Il fonde, vers (530), au Sud de Rome, le monastère du Mont Cassin, c'est le berceau des Bénédictins.

- le Monachisme se développe

En Armorique, en Bretagne, en Irlande, en Espagne. Kévin (498)-(618) fonde Glendalough, Enda, fonde Inishmore vers (532). Un de ses disciples, Ciaran vers (545) fonde Clonmacnoise, Finnian vers (552) fonde Clonard, un des centres intellectuels d'Irlande, Comgall vers (601) fonde Bangor près de Belfast, vers (555), Brendan (484)-(578) le navigateur fonde Clonfert. S'est il embarqué ensuite dans le prodigieux périple que nous conte un écrivain du (Xème siècle?) On ne sait, mais ce qui est vrai, c'est que ce récit, la Navigatio Sancti Brendani, est devenu très populaire au moyen âge. Un autre Finnian (470)-(579) fonde le monastère de Magh Bile , les 2 Finian ayant eu pour élève Columba, Columcille (521)-(597), qui fonda en (563) le célèbre monastère sur une île des Hébrides,Iona. Ce Columcille ne doit pas être confondu avec son homonyme célèbre, de (20) ans son cadet, grand évangélisateur et fondateur de monastères sur le continent, et dont nous allons parler plus loin.

Revenons maintenant en Italie, vers (555), c'est Cassiodore qui élève le monastère de Vivarium, sur le Monte Castellum en Italie, près de Naples, dont il dit que "l'endroit est aussi solitaire qu'un désert car il est entièrement clos d'un ancien mur". L'oeuvre de Cassiodore à Vivarium est une des rares expériences de centre d'études chrétiennes, mais, hélas, les armées Lombardes pointent le nez en Calabre dès (590), et mettent à mal cette réalisation ambitieuse. Cette déferlante barbare désorganisera le monde monastique italien, Pierre Riché nous parle de moines devenant clercs sans permission, vivant sans abbé ou sans règle, achetant des biens, vivant en concubinage avec des Femmes, accueillant des Soldats, etc... Et le même historien de nous montrer un Grégoire mécontent de cette situation et admonestant un abbé de Syracuse lors de la réception chez lui de sa communauté.

- Grégoire

C'est Grégoire le Grand (540)-(603), bien sûr, qui gouverna l'Eglise de (590) à (603), fut un des champions les plus ardents de St Benoît. Le célèbre pape aurait sûrement préféré que les moines ne suivent qu'une règle, la règle de Benoît, mais celle ci devait encore cohabiter quelque temps avec d'autres règles. Grégoire aurait fondé 7 monastères, le plus connu étant celui de St André, sur le Mont Coelius à Rome, élevé dans les années (570), après la mort de son père, qui était devenu un des plus riches propriétaires fonciers de Rome. Grégoire s’installe alors dans la maison paternelle, le Clivus Scauri, démissionne de ses charges et, sous la conduite du moine Valentino, forme une communauté religieuse. Ce furent, dira t'il plus tard, les (5) années les plus heureuses de ma vie. En plus de ce monastère sous le vocable de St André, il fonde 6 autres monastères dans les domaines familiaux de Sicile. Outre St André, nous ne connaissons rien de l'univers monastique à Rome à cette époque. Nous savons juste le nom du monastère St Jean St Etienne de Classis dont l'abbé Claude avait suivi l'enseignement de Grégoire.

Notons au passage que Grégoire fut le 1er moine à devenir Pape. Avant cela, il devint abbé de son monastère, sans que l'on sache s'il avait adopté l'observance Bénédictine ou non. D'ailleurs, la règle Bénédictine ne se généralisera que progressivement. Au temps de Grégoire, en tout cas, la multiplicité des règles en vigueur, nous l'avons dit, et la discipline plus ou moins lâche qui régissait les monastères faisaient que beaucoup de moines renonçaient à leur état et à leurs voeux de chasteté. C'est à ce moment, vers (589)-(590), que Colomban intervient. Il part de son Irlande natale avec 12 compagnons, en particulier Gall, qui donnera son nom à la célèbre abbaye du même nom. D'autres moines insulaires, un peu avant lui, s'étaient déjà exilé sur le continent, tel Gildas (565), moine de Bretagne, fuyant l'invasion Anglo Saxonne, et qui se réfugie en Armorique, sur l'île de Rhuys, où il fonde un monastère (536). D'autres continuent d'enraciner le christianisme au pays de Galles, où ils s'étaient réfugiés pour la même raison. Ainsi, "Cadoc Docus, Cathmael, Cadvael ou Cadfael", (580) fonde un monastère à Lancarfan, près de Cardiff.

- Colomban

Arrivé donc, sur les terres de Burgondie, qui deviendra la Bourgogne, Colomban fonde en peu de temps 3 abbayes sur des domaines Vosgiens appartenant au Roi Gontran (561)-(593), Annegray, puis l'année d'après, la célèbre abbaye de Luxeuil et celle de Fontaines, avec beaucoup de réticence de l'épiscopat mais avec l'appui de la Cour de Burgondie - Bourgogne. Gontran fonda lui même un monastère à Hubilac, qui deviendra St Marcel lès Chalon, dans l'actuelle Chalon sur Saône, où le chancelier de Gontran, St Flavius (595) érigea l'abbaye St Pierre. Ajoutons enfin que Gontran favorisa vers (580) la fondation de l'abbaye de St Sour, en Bas Limousin, érigée par "Sour, Sore l'Arverne", sur, ce dernier mot Gaulois signifiant ermite, anachorète. Issu d'une riche famille Auvergnate, Sour et ses compagnons Cyprien et Amand, s'étaient installés en ermites dans le domaine Mérovingien de Genouillac. Là, Sour fonda un monastère en un lieu connu depuis l'antiquité pous ses fontaines sacrées. Avec l'aide de l'abbé Arédius, du monastère d'Attane St Yrieix, ce couvent fut doté d'une église dédiée au martyr St Julien et d'un hôpital Xenodochium. Quant à Amand, il fondera un monastère non loin de là, à Coly, ce sera St Amand de Coly. Amand et Cyprien enterrèrent Sour dans une basilique, près du "Castrum de Terrazo", autour de laquelle un village grandira, pour devenir Terrasson, puis Terrasson Lavilledieu.

Ainsi, quoiqu'il soit postérieur à Benoît, c'était bien la règle de Colomban, qui était observée dans les nombreux monastères fondés par l'évangélisateur Irlandais, ainsi que ceux dont ils déterminèrent la fondation. Cependant, la règle de Colomban découragera vite par son extrême austérité, et déjà, Walbert, le 2ème abbé de Luxeuil, mêla la règle de St Benoît à celle qui régissait alors la plupart des monastères continentaux de type Celtique. Cette adaptation se pratiqua de plus en plus, à la manière de délicats cocktails où le 1/3 - 2/3 était courant, à vous de trouver les bonnes proportions des ingrédients ! L'action de Colomban, on dit colombanisme et de ses disciples a été un moment déterminant dans l'évolution du Monachisme chrétien, et dans le christianisme tout court, d'ailleurs.

- Mutation de l'Abbaye

Bien souvent, c'est l'Eglise qui prendra le relais de l'Etat Romain en décomposition. Les nobles familles Franques, peu citadines, tournées vers les grands espaces, la chasse, choisiront de vivre en majorité dans de grands domaines à la campagne. Alors qu'au (VIème siècle), les abbayes sont construites plutôt sous l'égide des évêques, au siècle suivant, elles seront créées surtout au sein de grands domaines privés et Aristocratiques. Les monastères, en cette période troublée, seront les palliatifs, les béquilles nécessaires à une société ayant beaucoup de mal à assurer sa "subsistance, sa sécurité, sa santé et son éducation". En effet, les clercs sont à peu près les seuls lettrés dans un monde plutôt dévasté, physiquement et culturellement. Comme l’Etat Romain s’est dissous, il faut une nouvelle hiérarchie du pouvoir, elle est fournie par les "comtes, les châtelains, les chevaliers". Ce qui m’a beaucoup frappé, bien que ce ne soit pas tout à fait en Languedoc, c’est de voir qu’à Marseille l’abbaye St Victor, par exemple, perçoit le Tributum. Or le tributum, le tribut, c’était un impôt Romain. Ce sont les moines qui l’empochent parce qu’il n’y a plus d’Etat et qu’ils assurent vaguement la protection des hommes.

Ce sont les moines qui apporteront essentiellement les solutions d'un nouveau départ, de manière concrète surtout, en particulier les moines colombaniens, disciples de Colomban. En effet, avant ceux ci, jusqu'à la fin du (VIème siècle), les monastères furent surtout établis en territoire déjà christianisé, alors que Columban et ses successeurs, pratiquant un monachisme Celte n'imposant pas la clôture et tourné résolument vers l'évangélisation, donneront un coup de fouet au christianisme Continental. Voyageant inlassablement, s'instruisant en différentes abbayes en relation avec l'Irlande, qui continuaient d'entretenir la culture savante Latine et Grecque, ces moines apportaient chacun une pierre à l'édification de la nouvelle société qui se dessinait. N'oublions pas que le monde Mérovingien, en particulier au Nord de la Loire, mais pas seulement, est en grande partie païen et qu'il faudra beaucoup de zèle aux évangélisateurs pour convertir bien des populations. Dans les campagnes, surtout, ce travail sera en grande partie, nous l'avons dit, réalisé par Colomban et ses disciples, nous le verrons, là où les rares évangélisateurs continentaux avaient quelque peu échoué.

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