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- Les Moniales Cisterciennes

Le "1er" monastère de Moniales véritablement Cisterciennes a été fondé à l'initiative d'Etienne Harding, dont le projet fut soumis à l'évêque et au Chapitre Cathédral de Langres ainsi qu'à la famille du Duc de Bourgogne. L'Abbaye fut finalement établie au Tart, à 12 kilomètres au Nord-Est de Cîteaux, et sa charte rédigée en (1132). Une charte plus tardive, émise entre (1196) et (1200), déclare que Le Tart est la Maison Fille de Cîteaux et que l'Abbé de Cîteaux est responsable de l'observance de la Règle et de la vie monastique de l'Abbaye. A l'époque l'Abbesse n'était pas Elue mais nommée par l'Abbé de Cîteaux qui pouvait la déposer, s'il y avait lieu. Le temps passant, l'Abbaye devint la Maison Mère de 18 Couvents et, comme l'exigeait l'organisation de l'Ordre, l'Abbesse devait les visiter.

L'uniformité ne semble pas avoir été imposée car les coutumes et l'horaire étaient très variés. Au début du (XIIIème siècle), les maisons de Moniales qui avaient un quelconque lien avec l'Ordre étaient si nombreuses qu'une méthode d'incorporation des Moniales et d'administration plus organisée et officielle s'imposait. Un statut de (1213) établit que Dorénavant les Couvents ne pourront être incorporés à l'Ordre qu'à la condition qu'ils adoptent une Clôture Stricte . En outre, aucune Abbaye de Femmes ne pourra établir de nouvelles fondations sans l'accord du Chapitre Général. Le succès poussa même le Chapitre Général de (1228) à émettre un décret interdisant de nouvelles maisons. Il ne pouvait pas empêcher un couvent d'observer les règles de Vie Cisterciennes, mais il ne s'engageait ni à lui offrir un soutien Spirituel, ni à assurer les Visites Régulières.

Les Femmes pénètrent de façon massive dans l'univers religieux du (XIIIème siècle). Au Diocèse de Liège et dans l'Empire, des Religieuses occupent une place de choix dans l'histoire de la mystique; plusieurs sont inscrites dans la mouvance Cistercienne; Ide de Nivelles morte en (†1231), Lutgarde de Tongres morte en (†1246), Béatrice de Nazareth morte en (†1268), Ide de Léau morte en (†1273), Ide de Louvain morte vers (†1300) sans compter la mystique Mechtilde de Hackeborn morte vers (†1299) et la grande Théologienne Gertrude de Helfta morte vers (†1302). Ces Femmes ont faim de Dieu et en témoignent dans leurs discours et leurs comportements empreints d'affectivité. Elles cultivent l'art de parler de l'indicible et de l'expérience vécue au cours de leur rencontre avec Dieu. Elles sont inspirées par les textes de Bernard de Clairvaux et de son ami Guillaume de St Thierry, mais il faut aussi souligner l'influence des Dominicains et des Franciscains, leurs Maîtres Spirituels et Biographes . Leur vie vouée à un idéal Pénitentiel est un constant itinéraire de conversion fondé sur le repentir et la mortification, non sans une certaine propension à la démesure. Selon leurs biographes, elles arborent toutes les facettes de la perfection monastique, "humilité, obéissance, chasteté, pauvreté vécue et attention aux pauvres".

L'incorporation de Maisons de Femmes déclina en même temps que le mouvement des "Mulieres Religiosae", ces Femmes Saintes qui recherchaient une reconnaissance Officielle, les unes acceptant la clôture et devenant Cisterciennes et d’autres soeurs Béguines qui vivaient leur vocation entre le monde et le cloître.

- Expansion et réforme

Avec le support de la Papauté, des Rois et des Evêques, l'influence de St Bernard dans l’expansion de l’Ordre fut décisive. A sa mort, 350 Monastères furent établis dont 68 par Clairvaux. La véritable envolée se produisit entre (1129) et (1139) et un tel dynamisme suscita bien des problèmes, incorporation de monastères qui gardent un coutumier non conforme à l’esprit de la "Carta Caritatis", choix d’implantations difficiles, difficultés pour les Abbayes Mères de pouvoir effectuer les visites annuelles, danger des prélèvements trop fréquents d’effectifs qui épuisent les Abbayes Mères. La ligne de Clairvaux compta jusqu’à 350 Monastères, Morimond plus de 200, Cîteaux une centaine et seulement 40 pour Pontigny et moins de 20 pour La Ferté.

Cette expansion assure aux Cisterciens une place prépondérante non seulement au sein du monachisme européen mais aussi dans la vie culturelle, politique et économique. Ils prennent part aux grands événements de la vie de l'Eglise. Reconquête de la Terre sainte, des Cisterciens prêchent la 3ème croisade (1188)-(1192), certains y participent personnellement. L'Evangélisation du Midi de la France et lutte contre les Cathares, dont la doctrine est condamnée et combattue par l'Eglise, les Cisterciens précèdent les Dominicains sur ces territoires, ils y assurent la prédication et organisent la répression de l'Hérésie. Missions de Christianisation; les Cisterciens protégés par le bras Séculier, puissance de la justice temporelle, laïque, pénètrent en Prusse et dans les provinces Baltiques. Défense des intérêts du St Siège, la querelle entre le Pape et l'Empereur se prolonge, les Cisterciens soutiennent les visées Théocratiques mode de gouvernement exercée par les prêtres du Pontife. Engagement dans la vie Pastorale, de nombreux Cisterciens deviennent Evêques ou Légats du Pape, chargés des plus hautes affaires de l'Eglise.

En (1354), l’Ordre comptait "690" maisons d’hommes, toutefois l'administration d'un Ordre s'étendant du Portugal à la Suède, de l'Irlande à l'Estonie et de l'Ecosse jusqu'en Sicile était une tâche qui prenait des proportions effrayantes. Il n'eut donc d'autre choix que celui de s'adapter à l'époque et aux conditions nouvelles. Cette organisation étendue et variée qu'était l'Ordre cistercien a dû se diviser au (XVème siècle) en sous groupes de même obédience, unis par une culture et une langue communes, afin d'assurer la survie de l'ensemble. Les fondateurs de Cîteaux auraient sans doute désapprouvé l'orientation de certains changements et adaptations. Ainsi le rôle joué par les cisterciens dans les ordres militaires, en particulier en Espagne, et la part croissante des activités pastorales constituaient autant d'écarts par rapport aux idéaux primitifs. Par ailleurs l'administration de l'abbaye reposait, en théorie, exclusivement sur l'abbé, d'où l'influence néfaste sur la vie de la communauté des abbés mondains, ambitieux et corrompus menant une vie peu conforme à la Règle ou des abbés absents, lesquels n'étaient pas rares au (XVème siècle).

Déjà en (1335), le Pape Benoît XII, alias Jacques Fournier, Abbé de Fontfroide, avait mis au point une réforme pour ses Frères Cisterciens. Son intention était de reconsidérer l'organisation de l'Ordre en fonction des besoins du moment, tout en rétablissant les valeurs primitives de pauvreté, de simplicité et de solitude. De sévères admonestations sont adressées à propos de la nourriture et de l'habillement. L'austérité semble relâchée. Bon nombre de religieux ont adopté l'usage des Cellules Individuelles le dortoir commun est donc rétabli. Les domaines cisterciens sont devenus gigantesques le pouvoir des Abbés en matière de gestion des biens est limité par un droit de contrôle attribué aux chapitres chargés de vérifier la comptabilité.

Le (XIVème siècle) est un un temps particulièrement pour l'Eglise, déchiré par le Grand Schisme (1378) à (1417) qui oppose le Pape d'Avignon au pape de Rome. Chacun choisit son camp selon les intérêts de son pays. Les dévastations de la Guerre de Cent Ans (1337) à (1453), les ravages de la Grande Peste (1348) et leurs conséquences économiques et sociales ruinent moralement et physiquement les populations. Les monastères n'échappent pas à ces Fléaux. L'Ordre de Cîteaux n'est pas épargné par les déchirures. Il oscille entre une volonté farouche de maintenir l'unité et les tendances nouvelles qui favorisent l'éclatement Nationaliste et le respect des particularismes.

Le Concile de Constance (1414)-(1418) réunit un grand nombre de Dignitaires Ecclésiastiques pour mettre un terme au Grand SChisme et élaborer un programme de réformes destinées à l'ensemble de l'Eglise. Le Chapitre Général Cistercien décide d'établir un rapport général sur la situation de l 'Ordre. Des visites à grande échelle sont organisées. Une commission est constituée en (1419) pour mettre au point une liturgie uniforme pour l'ensemble des Cisterciens. Une nouvelle collection des statuts Cisterciens est entreprise en (1439). A l'assemblée de Tours de (1493), l'Abbé de Cîteaux Jean de Cirey dénonce l'ingérence du bras Séculier dans la gestion des affaires Ecclésiastiques et la dilapidation des biens monastiques par les Abbés Commendataires.

A l'origine la Commende, était une tentative de la part de la Papauté d'Avignon d'exercer plus de contrôle sur les charges ecclésiastiques, mais ce système se révéla désastreux pour l'Ordre Cistercien. Les communautés monastiques n'avaient plus le droit d'élire leur Abbé, lequel était directement nommé par le Pape ou par le Roi. En général on choisissait, non des Moines, mais des Prélats Séculiers, qu'on récompensait ainsi de leurs bons et loyaux services. Le système de la Commende fit des ravages, en particulier en France et en Italie. L'absence d'un véritable guide ou le manque d'intérêt entraîna l'appauvrissement, la détérioration et la désaffectation de nombreuses Maisons. Il faut toutefois tempérer cette appréciation. Tous les Commendataires n'ont pas précipité la ruine de leurs Abbayes. Certains leur ont témoigné beaucoup de sollicitude. Il en est même qui se sont convertis et ont ensuite dirigé leurs Moines en bons Pasteurs.

Les pillages et déprédations de la Réforme, des guerres de Religion et, en Angleterre, de la Dissolution des monastères, n'arrangèrent pas la situation. L'Eglise demeurée fidèle à Rome s'arme pour une Contre Réforme de choc et songe à une Réforme en profondeur de ses institutions et de son état d'esprit. Des Cisterciens sont présents au Concile de Trente (1545) à (1563). 5 Chapitres Généraux ont lieu dans la 2ème moitié du (XVIème siècle) pour tirer les conclusions nécessaires. Le système de la Commende est présenté comme cause de tous les maux. En (1577), la clémence Royale accorde à Cîteaux et à ses 4 Filles, La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, d'échapper à cette contrainte. Autre épreuve pour les Cisterciens, l'implantation massive de nouvelles Maisons Religieuses. Des ordres nouveaux sont créés, d'autres se réforment. La concurrence est évidente.

Cependant la situation n'était pas dramatique dans toute l'Europe. Dans des régions catholiques comme la Bavière, l'Autriche, la Bohême, la Pologne, la Hongrie, le Portugal et l'Espagne, l'Ordre continuait d'être florissant, quoique sous des apparences baroques et rococo. En France pourtant, au (XVIème siècle), on n’assiste pas seulement à la dégradation, et dans certains cas à l'annihilation, des établissements Cisterciens, mais également à des tentatives énergiques de réforme. Jean de la Barrière, le très austère Abbé Commendataire des Feuillants, entreprit l'une de ces réformes et fonda la Congrégation des Feuillants. Précurseur de l'Abbé de Rancé, il tenta, avec succès, de réintroduire l'austérité de la Règle Bénédictine ou Cistercienne primitive et de mettre un terme à la décadence morale et au relâchement dans son Abbaye.

La naissance de l'Etroite Observance au début du (XVIIème siècle) est bien plus importante. Lorsque Rancé arriva à La Trappe, il fut horrifié par le spectacle qu'offrait l'Abbaye. L'ancien courtisan, qui avait pour parrain le Cardinal de Richelieu, embrassa les idéaux de la réforme Cistercienne avec la même fougue qui l'avait poussé jadis à rechercher les plaisirs du monde. Les partisans de la réforme désiraient revenir aux idéaux ascétiques remontant aux origines de l'Ordre, et en particulier au végétarisme primitif. Leur refus absolu de manger de la viande leur valut le surnom d'Abstinents. La Bulle In suprema, promulguée par le Pape en (1666), n'était qu'un compromis dans le conflit qui opposait les 2 parties. Chacune pouvait disposer de structures administratives propres, mais si l'Etroite Observance avait le droit d'envoyer 10 Abbés au Définitoire, elle restait soumise à Cîteaux et au Chapitre Général.

Les Moniales songent aussi à réformer leur mode de vie et leurs institutions. 2 points reviennent à l'ordre du jour, la clôture et la communauté de biens, Rome préfère pour elles la juridiction des évêques, jugés plus aptes à les surveiller étroitement, une fois installées dans les villes. Or les Cisterciennes relèvent de l'autorité de l'Ordre et habitent dans les campagnes. Des communautés en quête de réforme vont ainsi souscrire aux exigences Romaines. Il en est également qui vivent un esprit de réforme sans pour autant quitter l'institution Cistercienne ni leur campagne. La vie monastique s'y déroule dévotement, sans rigueur excessive, ni exaltation passionnée.

L'attitude des Cisterciens face au Jansénisme sont diverses, quelques uns s'immiscent dans le débat Théologique, la plupart ne font qu'adhérer au discours moral, d'autres sont totalement indifférents à la controverse et au problème. En revanche, l'influence d'Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites, est manifeste dans bon nombre de Cloîtres. De nombreux Jésuites deviennent Directeurs de Conscience de Cisterciennes et viennent prêcher les retraites. Au début du (XVIIIème siècle), la réforme catholique parvient enfin à s'imposer de manière visible un changement de situation s'opère dans l'Eglise. L'institution s'affirme triomphante, pour la plus grande gloire de Dieu. Il faut le proclamer à la face du monde de manière éclatante, Fastes Liturgiques, Symphonies Baroques et explosion de Dorures y contribuent dans toute l'Europe. Des critiques virulentes sont énoncées dans la 2ème moitié du (XVIIIème siècle) à l'encontre du Monachisme. En France, l'Ordre est profondément ébranlé en cette fin de siècle où les vocations se font rares et où l'engouement pour un Monachisme Austère a fait place à l'adoption d'une vie monastique beaucoup moins exigeante et donc plus exposée aux critiques, même si on détecte encore des foyers de ferveur et de fidélité aux origines et mêmes des initiatives.

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