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(Sedan, Chef lieu d'arrondissement des Ardennes, sur la Meuse.)
- Le Château Fort de Sedan.
Il est fait mention du nom de Sedan dans un acte juridique édicté, en (997),
par l'Empereur Germanique Othon III. Sedan place forte sur la Meuse, 22.500 habitants, possède, autour de son "Château Fort"
du (XVème siècle), un centre ancien qui apparaît comme l'un des plus beaux échantillons des styles architecturaux qui se
sont succédé du (XVIIème siècle) au (XIXème siècle).
Surplombant majestueusement la ville de Sedan, symbole du passé guerrier
de la cité, le "Château Fort" est le plus étendu d’Europe. 35.000 mètres carrés sur 7 niveaux, des remparts de 30 mètres
de hauteur offrant un panorama magnifique sur toute la vallée. Bâtie à partir du (XVème siècle) sur un éperon rocheux par
Evrard de La Mark, remaniée aux (XVIème siècle) et (XVIIème siècle), la forteresse est impressionnante. Le site du château est
un promontoire en bordure de la Meuse flanqué de 2 ruisseaux, le Bièvre et le Vra. Cette position en lisière de la
forêt Ardennaise, qui fournissait abondamment le bois de charpente, le calcaire jaune et sable, avait aussi
l’avantage de contrôler la navigation ainsi que le franchissement de la Meuse, on parle d'un bac en (1258) et d'un
1er pont en (1437).
C'est un édifice d’une très grande
complexité et assez difficile à déchiffrer, sa position géographique entre la France et l'Empire pendant (V siècles) a
été la cause d’une constante modernisation de ses défenses. L’absence quasi totale d’archives sur les (premiers siècles)
de la construction accroît la difficulté de la lecture et seule une analyse comparée du bâtiment, avec d’autres édifices
de la région, peut restituer la chronologie, récemment corrigée en ce qui concerne la date de construction des
boulevards d’artillerie circulaires et de la 1ère enceinte urbaine protégeant le gros bourg qu’était alors Sedan.
Au cours de ces campagnes on n’a pratiquement jamais détruit ce qui préexistait, les maîtres d’oeuvre préférant
l’épaississement des murailles ou, chemisage, c’est une chance d’avoir en un même lieu un véritable catalogue
d’architecture militaire tenu à jour de l’époque médiévale jusqu’au (XIXème siècle).
Les De La Marck, originaires de Rhénanie et
richement pourvus en fiefs, régnèrent ici avec les titres de Duc de Bouillon et de Prince souverain de Sedan, battant
monnaie, forgeant leur propre artillerie et créant un minuscule état indépendant reconnu par le Roi Henri II en (1549).
Plusieurs membres de cette famille alliée aux Brézé Poitiers et aux Bourbon Montpensier tinrent des rôles politiques de
1er plan à la cour de France, sur le trône des Archevêques de Cologne ou celui des Princes Evêques de Liège. Les La
Tour d’Auvergne, 2ème famille Princière alliée aux Orange Nassau, aux Montmorency et aux Médicis, régnèrent de
(1591) à (1642), date du rattachement de la "Principauté à la France". Ils intervinrent peu sur les défenses du château mais
plutôt sur son confort en créant une nouvelle résidence, le "Château Bas".
- Les Origines
Les fouilles archéologiques menées il y a une trentaine d’années dans la
cour du "cchâteau Haut" ont révélé l’existence d’une nécropole Carolingienne sur laquelle une 1ère église dédiée à
St Martin fut construite au (XIème siècle), caractérisée par une abside semi circulaire et une tour porche dont
l’étage inférieur voûté est doté de colonnes à chapiteaux cubiques. Incendiée et rebâtie au (XIIIème siècle) l’église fut
semble t'il intégrée à un "Prieuré Bénédictin" dépendant de l’abbaye de Mouzon. Ce Prieuré, mentionné en (1306), comportait
une tour dite le donjon contenant un logis éclairé par de petites baies à huchette et chauffé par une cheminée à
hotte tronconique.
- Le premier Château
Evrard de La Marck (1365)-(1440) est probablement à l’origine du 1er
château, à partir de (1424) environ. L’existence d’un château plus ancien remontant au (XIIIème siècle) a été parfois
évoquée en raison du style de l’édifice mais elle est contredite par les textes. Cette véritable usurpation du site
impliqua le départ des religieux et la construction dans le village d’une nouvelle église paroissiale dédiée à St Laurent.
Le "Château Primitif" de plan Triangulaire avait pour centre l’ancienne église devenue chapelle Castrale.
A l’Ouest, une petite tour hourdée,
noyau de la "Grosse Tour", servait sans doute de logis au Capitaine gouvernant la place au nom du Seigneur. On y observe
la présence d’une citerne pouvant recueillir les eaux de pluie, seul point d’eau connu du "Château Primitif".
Au Sud un ensemble de 2 tours jumelles
encadrait la porte d’entrée avec herse et bretèche mais sans pont levis. Un châtelet flanqué de 2 petites tours rondes
et d’une échauguette d’angle protégeait cette entrée en la masquant. Les Tours Jumelles aujourd’hui découronnées et
modifiées dans leurs parties supérieures conservent néanmoins de grandes archères dont les gonds de fer ou, crapaudines,
supportaient des volets de protection des tireurs ou, huchettes. Des corbeaux de pierre, encore en place pour certains,
supportaient un hourdage de charpente permettant la protection de la base des tours dont l’une au moins était talutée.
A l’Est une très grosse tour de 20 mètres
de diamètre pratiquement aveugle résulte peut être d’une campagne ultérieure. Ce 1er château est assez archaïque et
l’adaptation à l’artillerie encore timide, murs de 1m,50 d’épaisseur, crénelages parcimonieux, postes de tir conçus
pour l’arc et l’arbalète mais parfois modifiés pour l’usage de très petites armes à feu portatives. Des fossés
partiellement en eau ne semblent avoir existé qu’à l’Ouest et au Sud.
- Les Agrandissements
Les successeurs d’Evrard De La Marck, Jean, Robert 1er et surtout Robert II
(1460)-(1536) agrandirent le château de 10.000 mètres carrés en l’adaptant véritablement aux progrès croissants de
l’artillerie à poudre. Ces campagnes s’achevèrent avec la fermeture de la ville datée avec précision des années (1535)-(1536)
grâce à un rapport adressé à Charles Quint en (1544), récemment découvert dans les archives du "Ministère des Relations
Extérieures à Vienne, Autriche".
Les courtines du "Vieux château" sont
renforcées par de nouvelles murailles établies soit en avant, soit en arrière des murs primitifs. Les murailles de la
nouvelle cour basse et celles renforcées atteignent partout l’épaisseur de 4m,50 , elles portent un crénelage à leur
sommet, encore décelable sur la courtine Nord-Est. La petite tour Ouest est chemisée, elle subsiste intacte, noyée dans
la "Grosse Tour", énorme cylindre de 18 mètres de diamètre doté de galeries à canonnières. Le vaste étage sommital à larges
baies à meneaux forme une partie du logis Seigneurial car à cette époque les La Marck font de Sedan leur résidence
principale. Le logis comporte un nouvel élément constitué d’un pavillon contenant les cuisines à vaste cheminée Gothique
au rez de chaussée et une chapelle Castrale à "Oratoire Princier de style Gothique Flamboyant" dont les nervures de la voûte
se perdent en pénétration dans les piliers. Des latrines pour les soldats sont présentes dans les couloirs de la "Grosse
Tour", l’hygiène semblant avoir été une des préoccupations constantes des bâtisseurs successifs.
A l’Ouest et au Sud sont bâtis 2
très gros boulevards d’artillerie curvilignes. Celui du Sud, le plus élaboré et le
mieux connu, englobe complètement le Châtelet d’entrée primitif et rendit nécessaire l’aménagement d’une nouvelle
porterie au Nord-Ouest, portant les armes de Robert II ainsi que le collier de l’ordre de St Michel qui lui avait été
remis par Charles VIII en (1498). Le boulevard circulaire du Sud, conservé intact dans le "Bastion des Dames", présente un
logis pour la garde avec cheminée et plusieurs galeries d’escarpe dotées de 32 canonnières ébrasées équipées d’évents
pour l’évacuation des fumées des tirs. La faiblesse des angles de tir limitait pourtant l’efficacité réelle de ce monstre
quasiment sourd et aveugle et seule la vaste terrasse pouvait porter de lourdes pièces d’artillerie. Le boulevard
circulaire de Sedan peut être daté grâce aux comparaisons avec les dispositifs défensifs très semblables du château de
Lûmes, Ardennes, aménagé vers (1530) et surtout ceux du château de Lognes, Belgique, construit pour Guillaume De La Marck,
fils de Robert II, entre (1514) et (1521). Cet accroissement de surface implique l’extension des fossés qui servent
également de carrière. Ces agrandissements et ce qui subsiste aujourd’hui de l’enceinte urbaine de (1535)-(1536), une tour
noyée dans le "bastion Fourchu", montrent l’homogénéité de cette campagne de travaux.
- Le Remparement
L'étape suivante consista à créer de gigantesques terrasses à canons. On
empiéta massivement sur la cour basse pour établir une nouvelle muraille, entre les 2 furent entassés des milliers de
tonnes de terre et de pierre. Les courtines Nord-Est et Sud-Est passèrent ainsi de 4m,50 à 26 mètres d’épaisseur.
Le sommet des terrasses ainsi crées était au même niveau que les hauteurs dominant le site, l’ensemble du château, atout
considérable, était donc parfaitement invisible du côté le plus exposé. Toutefois, ces énormes volumes de maçonneries et
de terre n’étaient pas entièrement pleins car on avait pris la peine d’aménager en rez de chaussée, vers la cour, 18 petits
logis pour la garnison, encore visibles, tous semblables voûtés et dotés de cheminées.
Au Sud-Est et au Sud-Ouest, la "Cour Haute"
ne permettait pas de telles emprises au sol, les nouvelles terrasses plus basses que les autres furent donc élevées à
l’extérieur, en avant des courtines. Celle du Sud-Ouest est flanquée par une haute tour à canons oblongue combinant
salles d’artillerie dans les étages inférieurs et logis au sommet. Cette 3ème campagne précède de peu le
bastionnement du château lancé vers (1553).
- Le Bastionnement
Le passage à l’architecture bastionnée s’opère à Sedan dès le milieu du
(XVIème siècle) sur le front Nord-Est avec la construction de 2 bastions tournés vers la campagne. Celui du Gouverneur
à l’Est eut 2 états successifs et prit sa forme définitive de (1553) à (1557). Le bastion Fourchu au Nord, réceptionné
en (1559), était complété par un, moineau, casemate défendant le fond du fossé. Avec leur plan irrégulier, ils sont encore
archaïques. Ils seront complétés par 2 autres bastions d’angle réceptionnés en (1572), le "Bastion des Dames" au Sud et
le "Bastion du Roy" à l’Ouest. Ils sont tous dotés de latrines et disposent de 3 étages de feu sauf le "Bastion des
Dames" qui n’offre pratiquement qu’un seul niveau de feu en terrasse car il enferme désormais le gros boulevard circulaire
Sud élevé au début du siècle.
L'édification des 4 bastions nécessite
un nouvel agrandissement considérable des fossés, parfois au détriment des surfaces bâties de la ville au Sud-Ouest. Pour
la 1ère fois ces ouvrages sont bien datés par les archives où figure le nom du maître d’oeuvre Marin Fourre, auteur
probable du projet initial. Le Ferrarais Marc Aurèle Pazin prit sa suite et fut l’auteur du bastionnement de l’enceinte
urbaine poursuivi par l’ingénieur Errard, de Bar Le Duc, après (1885).
- Les appartements Princiers
Au cours du (XVIème siècle), le logis Princier va occuper sur 100 mètres
toute l’aile tournée vers la ville. Vers le milieu du (XVIème siècle) est élevé dans le goût de Philibert de l’Orme un
"Pavillon Renaissance" contenant la salle, à la colonne, dont la fonction d’origine n’est pas sûre, chambre de Robert IV
ou de son épouse Françoise de Brézé, fille de Diane de Poitiers. Ce pavillon à haute cheminée à décor d’architecture est
peu après dépourvu de sa toiture et englobé dans un logis plus vaste de part et d’autre de la "Grosse Tour", caractérisé
par un rez de chaussée à arcades côté cour et un étage en partie construit à colombages.
La présence de colombages est attestée par
un mémoire de Vauban et par le "plan relief de (1697) détruit". Les dispositions primitives de ces nouveaux espaces de
résidence sont difficiles à appréhender en raison de leur transformation ultérieure en casernements. Malgré l’austérité
voulue de l’architecture, le luxe des appartements est manifeste, mobilier d’ébène, suites de tapisseries, tentures de
cuir doré, vaisselle d’or et d’argent sont cités dans les inventaires de (1586) et (1638). Les De La Marck, qui rétribuent
une centaine de domestiques, ont fait de leur château une résidence Princière nichée au coeur d’une véritable machine
de guerre.
La "Salle, des Antiques", à l’Ouest est
aménagée comme un musée arsenal à la gloire de la famille et de leur ancêtre mythique, Godefroy de Bouillon. On y voyait
les plus belles armures des Princes et de leurs Enfants ainsi que celles offertes par les Rois de France en cadeau
diplomatique. Napoléon Bonaparte ordonna, en (1803), le transfert des armures à Paris où certaines sont encore conservées
au "Musée de l’Armée". Dans la moitié du (XVIème siècle) est aménagé dans la cour basse un grand logis à double
pavillon, connu aujourd’hui sous le nom de logis du, "Lieutenant de Roi", mais primitivement conçu comme logis du "Gouverneur
du château et de la principauté". Le dispositif Palatial était complété par des jardins établis sur les contrescarpes côté
ville et côté campagne.
- Le Château bas
Le prince Henri de La Tour d’Auvergne éleva en (1613)-(1614) un pavillon
au pied du "Château Haut", bâtiment en (T) orné de bossages vermiculés côté ville et de pilastres jumelés côté cour. Un fossé
enjambé par un pont levis, à bascule en dessous, protégeait l’édifice en l’intégrant aux défenses de l’entrée de la
forteresse. Il semble très vraisemblable d’attribuer les plans de cet ouvrage à l’architecte Salomon de Brosse. On
retrouve en effet le décor de pilastres employé par Salomon de Brosse au Palais du Luxembourg à Paris ainsi que les
bossages de l’"Hôtel de Ville" de Sedan élevé par lui en (1613)-(1614).
Après (1642) et le départ de
Frédéric Maurice de La Tour d’Auvergne, dernier "Prince de Sedan", le "Château Bas" servit de résidence aux gouverneurs
nommés par le Roi de France, puis de caserne après la Révolution. L’intérieur du "Château Bas", malgré les remaniements
dus à l’Armée, présente aujourd’hui encore de remarquables charpentes en carène, un escalier d’honneur à balustres de
bois tourné et d’intéressants sous sols voûtés.
- Les derniers Aménagements
Après la perte de l’indépendance en (1642) et l’arrivée des troupes
Françaises, le château, transformé en caserne, n’est plus qu’une citadelle sans fonction Palatiale. Les casernements
furent entretenus à l’économie jusqu’à nos jours. Parmi les aménagements modernes il faut citer la construction de
magasins attribués au maréchal Fabert, 1er "Gouverneur Français de l’ancienne principauté" (1599)-(1662), la transformation
de la fourche du "Bastion Fourchu" et le percement d’une "Porte de Secours dite, des Princes", sous l’égide de Vauban en
(1699).
Les ultimes transformations eurent lieu
au (XIXème siècle) restauration en (1825) du châtelet d’entrée qui avait perdu à la Révolution sa colonnade érigée par
Henri de La Tour en (1611), création d’un parc à boulets à l’emplacement de l’église St Martin rasée en (1822)-(1825),
création des plates formes d’artillerie au sommet des "Tours Jumelles" en (1828) et enfin suppression des colombages des
"Logis Princiers" côté cour sous le "Second Empire". Les essais de dynamite menés par l’Armée en (1873) provoquèrent de
regrettables destructions sur la courtine Nord Ouest, les murailles du "Bastion Fourchu" et sur celles du "Bastion du
Gouverneur" rasé en partie.
Cédé par l’"Armée Française à la ville en
(1962), le château a fait l’objet de plusieurs campagnes de restauration efficaces et de mise en valeur visant à tirer
de l’oubli cette étonnante forteresse témoin d’un (millénaire) d’histoire et de (IV siècles) d’architecture militaire.
Ces restaurations sont cependant inachevées. Beaucoup reste à faire, les projets les plus récents prévoyant la restitution
des fossés comblés en (1873).
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