- Childéric Ier
(Né vers (436), mort en (481).
La 1ère mention de Childéric se trouve en (457), dans les "Liber Historiarum" de Grégoire de Tours. Childéric, qui déshonorait les femmes de ses sujets, attira à lui la colère de son peuple qui le détrôna. Il se réfugia 8 années en Thuringe, probablement à partir de (451). Auprès du Roi Basin, il séduisit la femme de son hôte, Basine, qu'il ramena avec lui dans sa province une fois le calme revenu. Les Francs le réclamaient à nouveau sur le trône. Le Roi épousa Basine. De ce mariage naquit Clovis Ier.
Cette partie du récit de Grégoire de Tours semble s'apparenter cependant aux récits populaires et légendaires que celui ci mêle à ses récits. L'interpréter de manière historique est délicat, même s'il existait alors un Roi dénommé Basin en Thuringe à cette époque, et, que la tradition donne à la mère de Clovis le nom de Basine ?.
Comme de nombreux autres chefs barbares, si Childéric est Franc, il oeuvre surtout pour la défense de l'Empire Romain. La lettre de Saint Remi à Clovis dit :
" Une grande rumeur parvient à l'instant de nous. Vous venez de prendre en main l'administration de la Belgique seconde. Ce n'est pas une nouveauté que vous commenciez à être ce que vos parents ont été"
Cette phrase démontre bien que Childéric occupe une place réellement importante dans la société Romaine en tant que responsable militaire et civil d'au moins une province Romaine, la Belgique seconde. Dans la lettre, rien n'est précisé sur la responsabilité potentielle sur d'autres provinces. Reims, Tournai et Soissons en font partie. Général Romain, il est inhumé avec les insignes correspondant à sa fonction, "la fibule cruciforme en or retrouvée dans sa tombe", distinction reçue certainement d'un Empereur, tout comme le "paludamentum, le manteau des généraux Romains", qu'on observe sur l'image de son "anneau sigillaire". Michel Rouche émet l'hypothèse selon laquelle le poste de Gouverneur de Belgique seconde de Childéric a été reconnu par Ægidius lui même.
- le Roi fédéré et le chef des Francs Saliens
Regardé comme le 4ème Roi de la 1ère dynastie des monarques français, il succéda à Mérovée son père, en (457). Childéric Ier est un personnage d'envergure. Il est à la fois un Roi fédéré et le chef des Francs Saliens. Non seulement il prend la maîtrise d'une province Romaine, mais il prend part à des combats impliquant d'autres forces Romaines loin de ses bases. Il participe ainsi au jeu politique de Rome, à travers ses batailles en Gaule, voire en Italie. D'ailleurs, à son retour de Thuringe, il rejoint le "Parti Romain" en soutenant activement les opérations militaires du général Ægidius, l'autre autorité Romaine du Nord de la Gaule, et même sa révolte contre Ricimer. Childéric et Ægidius, accompagné par les Francs Saliens, secourent Majorien vers (458), ce qui contribue à renforcer les relations Franco Romaines du Nord de la Gaule. Childéric et ses Francs réussissent également à expulser les Burgondes de la ville de Lyon pour rejoindre Ægidius à Arles après que Majorien est reconnu Empereur.
- la Bataille d'Orléans
La Chronique d'Hydace, la Chronica Gallica de (511) et celle de Marius d'Avenches évoquent toutes les 3 une bataille en (463). Marius d'Avenches affirme que la bataille a dû se dérouler près d'Orléans entre Ægidius et les Wisigoths, Frédéric, le frère du Roi Wisigoth Euric, fut tué. Selon la chronique de (511), les Wisigoths furent vaincus par des Francs. Un siècle plus tard, Grégoire de Tours indique "Childericus Aurelianis pugnas egit - Childéric livra des combats à Orléans". A la lecture de ses sources, Grégoire de Tours a déduit que si des Francs étaient présents à cet endroit, Childéric devait forcément y être aussi, en tant que chef des Francs Saliens. Ces 2 sources impliquent une alternative, soit il y eut 2 batailles, soit Childéric oeuvrait à la tête des Francs en tant qu'allié, ou sous le commandement du général Romain Ægidius. A la mort d'Ægidius vers (464), Childéric continue de défendre le Nord de la Gaule à la tête des Francs Saliens au nom de Rome. Syagrius, fils d'Ægidius, hérite d'une partie des attributions de son père autour de Soissons, Senlis et Beauvais, et incarne la dernière autorité pleinement Romaine.
- le Siège de Paris
Un an après, toutefois, en (465), Childéric Ier assiège Paris. Cet épisode de la vie du Roi franc est particulièrement difficile à comprendre si nous n'abordons pas la personnalité de Sainte Geneviève. Cette dernière, magistrate municipale de Paris, profondément catholique, vient de créer le culte de Saint Denis, et prône une politique Antiarienne. Or Syagrius, qui domine une partie de la Gaule du Nord, commence à se rapprocher des Wisigoths Ariens. A Paris menace la guerre civile entre partisans de Syagrius, authentiques représentants de Rome et partisans des Francs. Sainte Geneviève, elle même d'origine Franque, rencontre probablement Childéric à Laon pour lui demander d'intervenir pour préserver la vie publique. Ce dernier décide alors d'asphyxier Syagrius sans se lancer dans une guerre ouverte contre Paris, et s'en empare au bout de 10 ans d'embargo, malgré le dévouement de Sainte Geneviève, qui parvient à ravitailler plusieurs fois les assiégés, sans toutefois déplaire au Roi franc, avec qui elle partageait une profonde affection. Pendant 10 ans, elle réussit à créer une zone de paix sans favoriser aucun des 2 partis en présence.
- la Bataille d'Angers
Avec l'appui Romain et Franc, le Comte Romain Paul déclare la guerre aux Wisigoths. En (469), Odovacrius menace Angers avec ses Saxons. Childéric arrive le jour suivant et le défait. Le comte Paul est tué pendant la bataille et Childéric prend possession de la ville. Certains commentateurs en ont déduit que Childéric combattait aux côtés du Comte Paul et que Childéric était allié des Romains. Pourtant Frédégaire a pensé que le Comte Paul avait été tué par Childéric. Les historiens modernes réfutent cette hypothèse, mais dans cette bataille plusieurs groupes de Romains se combattent, aussi cette alliance n'est elle pas certaine. Puis les batailles entre Romains et alliées d'une part et Saxons d'autre part continuent. Childéric s'empare des îles de la basse Loire qui furent prises et saccagées avec une nombreuse population qu'ils firent périr. Rignomer, parent de Childéric et frère du Roi de Cambrai Ragnacaire, a peut être été installé pour défendre la Loire et son estuaire à partir du Mans. En (469), les Armoricains et les Bretons du Roi Riothame, Ambrosius Aurelianus selon Léon Fleuriot, débarquent sur la basse Loire avec une troupe estimée à 12.000 hommes, pour secourir l'Empereur Anthémius et tenter de rejoindre les Francs à Déols. Mais Euric les en empêche et les vainc au bout de 2 jours de combat. Les survivants Bretons se réfugient dans les royaumes Burgondes et Euric s'empare de la ville de Tours.
En (476), lors de la chute de l'Empire Romain et la prise du pouvoir par Odoacre, la domination "Romano Franque" est particulièrement limitée et divisée entre la zone d'influence de Childéric et celle de Syagrius, fils d'Ægidius. Contrairement à Syagrius qui se rapproche toujours des Wisigoths, la puissance du moment, Childéric décide de reporter le foedus sur Odoacre reconnu par l'Empereur Romain d'Orient Zénon. Après cette alliance Foedus scellée, Odoacre est reconnu Roi par Zenon. Childéric mène alors une expédition pour soumettre les Alamans qui ont envahi l'Italie du Nord, en passant par le Splügen et Bellinzona. Par ce geste, il montre qu'il reste fidèle à l'Empire quoi qu'il arrive. Childéric, à en croire Grégoire de Tours, prendrait ainsi une dimension européenne. A partir de (470), il n'apparaît plus dans les différentes annales. L'étude des différentes pièces de monnaies trouvées dans sa tombe permettent de dater sa mort entre (477) et (484). Sa mort est classiquement datée de (481) ou de (482). Aucun document ne permet de donner une date plus précise.
- le Tombeau de Childéric
Sous le nom de Tornacum, Tournai était une ville importante du Nord de la Gaule à la fin de l'époque Romaine, on ne peut prouver que Tournai fut sa capitale mais on peut penser qu'elle était sa résidence au moment de sa mort. Les fouilles de Raymond Brulet ont pu établir que la sépulture n'était pas isolée car elle fait partie d'une nécropole Mérovingienne dont elle fut peut être le noyau primitif. Si elle ne fut pas pillée, ce fut sans doute qu'elle bénéficia, outre de l'oubli de son emplacement, de sa situation privilégiée auprès de l'église Saint Brice. Le 27 Mai (1653), un ouvrier qui travaillait à la démolition d'une maison longeant le cimetière de l'église Saint Brice de Tournai mit au jour un caveau contenant de nombreux objets précieux, une épée d'apparat, un bracelet torse, des bijoux d'or et d'émail cloisonné avec des grenats, des pièces d'or, une tête de taureau en or et un anneau portant l'inscription "CHILDIRICI REGIS du roi Childéric", qui permit d'identifier la tombe. On découvrit également 300 abeilles d'or, que l'on prit d'abord pour des fleurs de lys puis pour des cigales. Selon Michel Rouche, il s'agit bien d'abeilles, car Childéric aurait emprunté lors de son séjour en Thuringe, une coutume adoptée par les Thuringiens soumis aux Huns. La cigale étant un insecte spécifiquement méditerranéen, elle n'est pas présente dans les steppes et les prairies. N'eût été la date tardive, (1669), de la découverte, faite par le Hollandais Jan Swammerdam, du sexe féminin de celui qu'on croyait depuis l'Antiquité être le Roi des abeilles, on pourrait spéculer que l'abeille symbolise le matriarcat par l'image de la Reine des abeilles qui pond sans cesse et autour de laquelle gravitent toutes les autres. Incontestablement, la Reine procrée sans mâle apparent. Elle affirme sa puissance matriarcale dans l'indistinction sexuelle.
L’archiduc Léopold Guillaume, gouverneur des Pays Bas Espagnols, fit publier un rapport en latin, et le trésor fut d'abord confié aux Habsbourgs de Vienne, puis offert en cadeau en (1665) à Louis XIV. Ce dernier le fit conserver à la Bibliothèque Royale, aujourd'hui Bibliothèque nationale de France. Napoléon s'intéressa beaucoup au trésor de Childéric et fit des abeilles un symbole héraldique remplaçant la fleur de lys des Capétiens. Le trésor de Childéric, qui comprenait 80 kg d'objets en or, fut volé à la Bibliothèque Royale dans la nuit du 5 au 6 novembre (1831), et l'or fondu pour faire des lingots. On ne retrouva que quelques pièces dont 2 abeilles dans la Seine, où on les avait jetées. Il subsiste aujourd'hui du trésor de belles gravures qui en ont été dressées lors de sa découverte, et quelques fac similés que les Habsbourg avaient fait fabriquer. Cependant certains éléments du trésor ont été retrouvés et sont aujourd'hui exposés au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale. L'inventaire des objets donnés à Louis XIV par Léopold a été mis à jour en (1978), ce qui permet de connaître l'importance du vol.
L'inventaire de la tombe permet de distinguer 3 sous ensembles, l'armement et les accessoires vestimentaires de Childéric, des pièces de harnachement de cheval. La 3ème partie est peut être une tombe féminine adjacente, que certains attribuent à sa femme Basine. Parmi les accessoires vestimentaires, des restes d'une boucle de ceinture en or, d'une paire de bouclettes de chaussure, une fibule cruciforme en or qui fermait le paludamentum de Childéric sur l'épaule, son anneau sigillaire, un autre anneau en or, un bracelet en or massif et un fermoir d'aumônière ont été retrouvés. Les armes du Roi ont aussi été identifiées, une lance, une francisque, une épée longue et un scramasaxe. Des découvertes récentes de 2 sépultures collectives de chevaux, situées aux environs immédiats de la tombe de Childéric laisseraient supposer que le cheval personnel de Childéric a été enterré avec lui ou dans une tombe voisine. Le crâne de l'animal et son harnais ont été découverts dans la tombe Royale. Une trentaine des célèbres abeilles, et non 300 ont pu orner ce harnais, car elles étaient adaptées à un ornement sur cuir, mais il est parfois noté qu'elles ornaient le vêtement d'apparat du défunt.
Enfin la découverte, près du squelette du Roi, d'une calotte crânienne de petite taille et de quelques parures féminines pourrait donner à penser qu'il y avait à côté de la tombe de Childéric une tombe féminine, celle de son épouse Basine ?. Toutefois le faible nombre d'objets féminins retrouvés justifie les doutes suscités par cette hypothèse, même si le site n'a pas été à l'abri de pillages antérieurs ou s'il n'a pas fait l'objet d'une fouille insuffisante.
L'analyse du trésor révèle des influences multiples. Childéric était Franc, et comme tout chef Franc, sa tombe contenait un nombre important d'armes dont le scramasaxe et la spatha. La fibule qui fermait le paludamentum et son anneau sigillaire rappellent les usages des hauts dignitaires de l'administration Romaine, même si, sur l'anneau de Childéric, figurent des détails d'inspiration Franque tels que les cheveux longs. Plus de 100 monnaies d'or ont été retrouvées, frappées en grande partie au nom de l'Empereur Byzantin Zénon. Cette somme venant de l'autorité Impériale devait financer les Francs au titre du foedus et pour l'administration de la province de Belgique seconde. Certains éléments de décoration de ses armes sont d'inspiration Byzantine. Les influences Germaniques sont présentes dans la pompe funéraire et l'association du tombeau avec des fosses à chevaux situées à proximité, et la présence de nombreux bracelets en or. Enfin l'influence Danubienne se manifeste dans le mobilier de la tombe. Elle est notable dans le grand nombre d'objets d'orfèvrerie cloisonnés de grenats, les parures à décor polychrome des plaques boucles et les armes à décor cloisonné. Un usage similaire en a été fait dans les cours Royales Danubiennes, où se mêlent des traits culturels Huniques, Goths, Alains et Sarmates.
Le contenu de la tombe révèle un Roi qui réussi la fusion, entre une culture "païenne et germano-romaine". Childéric Ier avait cependant l'avantage d'être le seul des Rois barbares à ne pas être de religion Arienne, mais Païen, ce qui lui procura l'attention des élites locales et de l'épiscopat qui pouvaient espérer l'attirer vers le Catholicisme plus facilement que les autres peuples barbares.
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