Charlotte Corday

-Charlotte Corday

Marie-Anne-Charlotte de Corday d’Armont, retenue par l'Histoire sous le nom de Charlotte Corday, elle-même toutefois se faisait désigner et signait sa correspondance de son premier prénom Marie, née le 27 Juillet (1768) à Saint-Saturnin-des-Ligneries1 près de Vimoutiers dans le pays d'Auge, Guillotinée à 25ans le 17 Juillet (†1793) à Paris, est une personnalité de la Révolution Française, célèbre pour avoir Assassiné Jean-Paul Marat. Le Ronceray, la maison où Charlotte Corday a grandi, près de Vimoutiers. 3ème enfant de François d’Armont, Gentilhomme Normand, ancien Lieutenant aux Armées du Roi, et de Charlotte-Marie-Jacqueline de Gautier des Authieux de Mesnival 13 Mars (1737), morte à Caen le 9 Avril (†1782), Charlotte Corday est l'arrière-arrière-arrière-petite-fille de Pierre Corneille par son fils. La légende populaire voulait que Charlotte Corday ait pu s'introduire chez Marat, ancien Médecin du Duc d'Orléans, grâce à ses relations familiales, mais ce lien n'y fut sans doute pour rien. Sa famille, Noble mais Déclassée, vit dans une petite maison près de Vimoutiers. Les parents de Charlotte Corday ont eu 5 enfants dont 4 survivent à la petite enfance. L'un de ses frères, François de Corday, né en (1774), sera fusillé à Auray en (†1795) à l'age de 21 ans. En butte à divers conflits familiaux sur la répartition de l'héritage entre lui et ses frères, François déménage à Caen, la grande ville la plus proche. Veuf en (1782), il se trouve dans la difficulté, comme beaucoup d'autres membres de la petite Noblesse, il cherche à placer ses enfants. Refusée quelques années plus tôt dans la prestigieuse maison de Saint-Cyr, Charlotte Corday, alors âgée de 13 ans, est admise avec sa sœur cadette à l'abbaye aux Dames à Caen, qui, en tant qu'Abbaye Royale, devait accueillir les jeunes filles pauvres issues de la Noblesse de la Province de Normandie.

Son Instruction y est donc Soignée. Ses lectures sont alors sérieuses, notamment les auteurs classiques, traduisant une curiosité intellectuelle. Son père lui prête quelques volumes de Montesquieu et de Rousseau, ce qui permet de supposer qu'elle a acquis une certaine culture Philosophique et donc Politique. Elle admire les philosophes, s'ouvre aux idées nouvelles, tout en conservant sa Foi Religieuse. Pourtant, solitaire, elle est aussi marquée par une piété en voie de transformation, à la fois plus intérieure et spectaculaire, elle cultive le goût du Sacrifice, de la mort jeune et de la foi intérieure. C'est au nom de cette foi qu'elle vivra notamment son exécution comme un don de soi, et refusera la Confession ultime en prison. Elle reste pensionnaire à l'abbaye aux Dames jusqu'en Février (1791), puisque la Congrégation est dissoute 1 an après la Nationalisation des biens du Clergé et la Suppression des Ordres Religieux. Avec la Révolution, le vote de la loi établissant la Constitution Civile du Clergé le 12 Juillet (1790) entraîne donc la fermeture des Couvents qui sont déclarés Biens Nationaux.

- Son Caractère

Un de ses parents, Frédéric de Corday, racontera plus tard,
    "Charlotte avait le feu sacré de l’Indépendance, ses idées étaient arrêtées et absolues. Elle ne faisait que ce qu’elle voulait. On ne pouvait pas la Contrarier, ceci était inutile, elle n’avait jamais de Doutes, jamais d’Incertitudes. Son Parti une fois pris, elle n’admettait plus de Contradiction".
     Son oncle, le pauvre Abbé de Corday m’en a parlé dans les mêmes termes.
"Comme d’une personne qui avait un caractère d’Homme. Elle avait, en outre un esprit assez Railleur, assez Moqueur. Elle était susceptible de sentiments Nobles et Elevés, de beaux Mouvements. Avec l’énergie dont elle était douée, elle s’imposait et n’en faisait jamais qu’à sa Tête. Quoique dans la famille les femmes soient toutes énergiques, il n’y en avait pas qui eussent un caractère aussi décidé, aussi capable. Si elle eût Commandé un Régiment, elle l’eût bien mené, cela se devine."

- Retour dans le Civil

Sortie du Couvent, la jeune femme retourne vivre chez son père, qui avait vendu la ferme "du Ronceray", où elle a grandi, pour en acheter de nouveaux fermages dits, "la ferme des Bois". Début Juin (1791), Mlle de Corday quitte la campagne pour aller vivre à Caen, chez sa tante, Madame de Bretteville-Gouville, rue des Carmes. Elle a alors 23 ans, défend fièrement ses idées Constitutionnelles dans un milieu où on compte encore beaucoup de Royalistes. Après la fuite et l'arrestation du Roi à Varennes, les Girondins, qui ont une majorité toute relative à l'Assemblée, sont en butte à l'opposition des députés Montagnards. Lors de l'Insurrection du 10 Août, le Roi est Suspendu de ses Fonctions, puis Incarcéré à la tour du Temple. De nombreux, suspects, dont ses derniers serviteurs, répartis dans les prisons de Paris et de province, sont exécutés Sommairement entre le 2 et le 7 Septembre (1792). Le député Jacobin Jean-Paul Marat, dans son journal "Radical l'Ami du peuple", se félicite de ces Massacres. Cet évènement refroidit certains admirateurs de la Révolution. Olympe de Gouges écrivait notamment en septembre :
    "Le sang, même celui des Coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les révolutions".
Puis secondant Louvet et les Girondins, Olympe de Gouges dénonce énergiquement le "boutefeu Marat"
    à l'Opinion Publique. Les critiques adressées par les Girondins, relayées par les journaux et les articles de Dulaure, Brissot, Condorcet, Mercier ou Charles de Villette, furent entendues à Caen.

- Marat la Terreur

Emportés par les assauts de la Commune de Paris et des députés prônant l'exagération Révolutionnaire, 29 députés Girondins sont décrétés d'arrestation suite aux journées du 31 Mai et du 2 Juin (1793), plus de la moitié arrivent à fuir Paris. Certains trouvent refuge dans le Calvados, près de Caen. Ils y organisent des réunions Politiques à l’Hôtel de l'Intendance rue des Carmes, la même rue où Corday loge chez sa tante, réunions auxquelles Charlotte Corday assiste à plusieurs reprises. Elle aperçoit alors pour la première fois ces députés qu'elle admire jusqu'à présent de loin, et parmi eux, Buzot, député de l'Eure, Salle, Pétion, l'ancien maire de Paris, Valazé, Kervélégan, Mollevaut, Barbaroux, Louvet, Giroust, Bergoeing, Lesage, Duchastel, Henry-Larivière. Elle entend leurs explications au sujet des journées d'émeute qui précèdent leur décret d'Arrestation, actes perpétrés par la Commune contre la Convention Nationale, prise en otage par la Garde Nationale. Marat, depuis son Acquittement au Tribunal Révolutionnaire, poursuit par journal interposé de sa vindicte les Girondins, il symbolise sans doute aux yeux de Corday l'Injustice et le Mensonge. Il devient sa Cible, après qu'elle a entendu le député Girondin Pezenas s'écrier, "Faites tomber la tête de Marat et la patrie est sauvée".

Le 9 Juillet (1793), elle quitte Caen pour le quartier du Palais-Royal à Paris où elle descend à l’hôtel de la Providence, rue des Vieux-Augustins au n°199", le 11 Juillet à Midi. Munie d’une lettre d’introduction du député Barbaroux, elle se rend chez le député Claude Romain Lauze de Perret qui lui fit bon accueil. Dans la conversation, il lui apprend que Marat, souffrant, ne paraît plus à la Convention. Ayant projeté dans un premier temps de tuer Marat à la Convention Nationale, cette nouvelle l’oblige à changer de plan. Dans la matinée du 13 Juillet, elle cherche par 2 fois sans succès à se faire recevoir par "l'Ami du Peuple". Elle a alors l’idée de lui faire parvenir un court billet :
    "Je viens de Caen, votre amour pour la patrie doit vous faire désirer connaître les complots qu’on y médite. J’attends votre réponse."
    En fin de journée, sans réponse, elle décide d’écrire un second billet :
    "Je vous ai écrit ce matin, Marat, avez-vous reçu ma lettre ? Je ne puis le croire, puisqu'on m'a refusé votre porte, j'espère que demain vous m'accorderez une entrevue. Je vous le répète, j'arrive de Caen, j'ai à vous révéler les secrets les plus importants pour le salut de la République. D'ailleurs je suis persécutée pour la cause de la Liberté, je suis malheureuse, il suffit que je le sois pour avoir droit à votre Protection"
    Elle met le billet dans sa poche, sort de sa chambre, fait appeler un fiacre et se rend au n°20 de la rue des Cordeliers. Elle a, glissé dans son corsage et rangé dans sa gaine sous le fichu rouge qui recouvrait sa gorge, un couteau de cuisine à manche d’ébène et virole d’argent, qu'elle a acheté le matin même pour 40 sous dans la boutique du coutelier Badin, sous les arcades du Palais-Royal, au n°177 de l’actuelle galerie de Valois. Il est 7 heures du soir quand son fiacre s’immobilise devant chez Marat.

- L'attentat

Elle descendit de voiture du côté opposé de la rue, en face de la demeure de Marat. Le jour commençait à baisser, surtout dans ce quartier assombri par des maisons hautes et par des rues étroites. La portière refusa d’abord de laisser pénétrer la jeune inconnue dans la cour. Celle-ci insista néanmoins et franchit quelques degrés de l’escalier, rappelée en vain par la voix de la concierge. A ce bruit, la maîtresse de Marat entrouvrit la porte, et refusa l’entrée de l’appartement à l’étrangère. La sourde altercation entre ces femmes, dont l’une suppliait qu’on la laissât parler à l’Ami du Peuple, dont l’autre s’obstinait à barrer la porte, arriva jusqu’aux oreilles de Marat. Il comprit, à ces explications entrecoupées, que la visiteuse était l’étrangère dont il avait reçu 2 lettres dans la journée. D’une voix impérative et forte, il ordonna qu’on la laissât pénétrer. Soit jalousie, soit défiance, Albertine Marat obéit avec répugnance. Elle introduisit la jeune fille dans la petite pièce où se tenait Marat, et laissa, en se retirant, la porte du corridor entrouverte, pour entendre le moindre mot ou le moindre mouvement de son frère.

Cette pièce était faiblement éclairée. Marat était dans son bain. Dans ce repos forcé de son corps, il ne laissait pas reposer son âme. Une planche mal rabotée, posée sur la baignoire, était couverte de papiers, de lettres ouvertes et de feuilles commencées. Charlotte évita d’arrêter son regard sur lui, de peur de trahir l’horreur de son âme à cet aspect. Debout, les yeux baissés, les mains pendantes auprès de la baignoire, elle attend que Marat l’interroge sur la situation de la Normandie. Elle répond brièvement, en donnant à ses réponses le sens et la couleur propres à flatter les dispositions présumées du journaliste. Il lui demande ensuite les noms des députés réfugiés à Caen. Elle les lui dicte. Il les note, puis, quand il a fini d’écrire ces noms :
    "C’est bien ! dit-il de l’accent d’un homme sûr de sa Vengeance, avant 8 jours ils iront tous à la Guillotine"
    A ces mots, comme si l’âme de Charlotte eût attendu un dernier forfait pour se résoudre à frapper le coup, elle tire de son sein le couteau et le plonge, avec une force surnaturelle, jusqu’au manche dans le cœur de Marat. Charlotte retire du même mouvement le couteau ensanglanté du corps de la victime et le laisse glisser à ses pieds. "A moi ! ma chère amie ! à moi ! », s'écrie Marat, et il expire sous le coup." Charlotte Corday est ensuite maîtrisée par Simone Evrard, la compagne de Marat, et ses gens de maison. Protégée contre la foule, elle est conduite non loin, à la prison de l'Abbaye où elle subit une fouille en règle. Outre quelques objets personnels, on trouve sur elle une feuille de papier pliée en 8huit, dans laquelle elle explique les raisons de son geste :

- Adresse aux Français
amis des lois et de la paix


    "Jusqu’à quand, ô malheureux Français, vous plairez-vous dans le trouble et dans les divisions ? Assez et trop longtemps des factieux, des scélérats, ont mis l’intérêt de leur ambition à la place de l’intérêt général ; pourquoi, victimes de leur fureur, vous anéantir vous-mêmes, pour établir le désir de leur tyrannie sur les ruines de la France ?

    "Les factions éclatent de toutes parts, la Montagne triomphe par le crime et l’oppression, quelques monstres abreuvés de notre sang conduisent ces détestables complots. Nous travaillons à notre propre perte avec plus de zèle et d'énergie que l'on n'en mit jamais à Conquérir la Liberté ! O Français, encore un peu de temps, et il ne restera de vous que le souvenir de votre existence"

    "Déjà les départements indignés marchent sur Paris, déjà le feu de la discorde et de la guerre civile embrase la moitié de ce vaste empire, il est encore un moyen de l'éteindre, mais ce moyen doit être prompt. Déjà le plus vil des scélérats, Marat, dont le nom seul présente l'image de tous les crimes, en tombant sous le fer vengeur, ébranle la Montagne et fait pâlir Danton, Robespierre, ces autres brigands assis sur ce trône sanglant, environnés de la foudre, que les dieux vengeurs de l'humanité ne suspendent sans doute que pour rendre leur chute plus éclatante, et pour effrayer tous ceux qui seraient tentés d'établir leur fortune sur les ruines des peuples abusés".

    "Français ! vous connaissez vos ennemis, levez-vous ! Marchez ! que la Montagne anéantie ne laisse plus des frères, des amis ! J'ignore si le ciel nous réserve un Gouvernement Républicain, mais il ne peut nous donner un Montagnard pour Maître que dans l'excès de ses vengeances. O France ! ton repos dépend de l'exécution des lois, je n'y porte pas atteinte en tuant Marat : condamné par l'Univers, il est Hors la Loi. Quel tribunal me jugera ? Si je suis coupable, Alcide l'était donc lorsqu'il détruisait les monstres."

    "O ma patrie ! Tes Infortunes déchirent mon cœur, je ne puis t'offrir que ma vie, et je rends grâce au ciel de la Liberté que j'ai d'en disposer, personne ne perdra par ma mort, je n'imiterai point Pâris le meurtrier de Lepeletier de Saint-Fargeau en me tuant. Je veux que mon dernier soupir soit utile à mes Concitoyens, que ma tête portée dans Paris soit un signe de Ralliement pour tous les amis des lois, que la Montagne chancelante voie sa perte écrite avec mon sang, que je sois leur Dernière Victime, et que l'univers vengé déclare que j'ai bien mérité de l'Humanité. Au reste, si l'on voyait ma conduite d'un autre œil, je m'en inquiète peu."

    "Qu'à l'univers surpris cette grande action".
    "Soit un objet d'horreur ou d'admiration".
    "Mon esprit, peu jaloux de vivre en la mémoire".
    "Ne considère point le reproche ou la gloire".
    "Toujours indépendante et toujours citoyen".
    "Mon devoir me suffit, tout le reste n'est rien".
    "Allez, ne songez plus qu'à sortir d'esclavage !"

    "Mes parents et mes amis ne doivent point être inquiétés, personne ne savait mes projets. Je joins mon extrait de baptême à cette adresse, pour montrer ce que peut être la plus faible main conduite par un entier dévouement. Si je ne réussis pas dans mon entreprise, Français ! Je vous ai montré le chemin, vous connaissez vos ennemis; levez-vous ! Marchez ! Frappez"

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