- La légende de saint Herbot![]() Saint Herbot s'était d'abord établi à Berrien. Mais les femmes de ce pays s'ameutèrent contre lui, parce que leurs maris, disaient elles, perdaient leur temps à l'écouter, au point d'oublier d'ensemencer leurs champs ou de faucher les récoltes, tant l'homme de Dieu les tenait sous le charme. Elles lui firent toutes sortes de misères, dérobèrent ses vêtements qu'il avait mis à sécher sur une haie, parlèrent d'incendier sa hutte. Un jour elles poussèrent la malignité jusqu'à lui jeter des pierres, courant et aboyant après lui, comme des chiennes enragées. Pour le coup, le Saint se mit en colère. Puisque c'est ainsi, s'écria t'il, je vous prédis que désormais le territoire de Berrien ne sera plus que pierres. Dieu lui même, malgré sa toute puissance, ne le pourra désempierrer. Fuyant devant ces mauvaises femmes, il vint ici chercher un abri. En ce lieu sauvage il était assuré de vivre tranquille. Il se mit en devoir d'y construire sa maison de pénitence, son penity. Dans ce dessein il s'adressa au manoir du Nank, priant qu'on voulût bien lui prêter une paire de boeufs pour charroyer les matériaux. Les gens du Nank étaient des avares. Ils répondirent au Saint que leurs bêtes n'étaient pas à la disposition du premier venu. Eh bien ! dit il, désormais il n'y aura au Nank que des boeufs impropres au labour. Sa malédiction est restée sur le manoir. On n'y a jamais pu, depuis, labourer convenablement avec des boeufs. Refusé de ce côté, le Saint se rendit au Rusquec. Là commandait un bon mâître, secourable au pauvre monde. Allez dans la montagne, dit il à Herbot, vous y trouverez le troupeau de nos boeufs au pacage. Vous n'aurez qu'à choisir vous même telle paire qu'il vous plaira. Le Saint choisit une paire de boeufs blancs, les attela, avec des écorces de saule en guise de traits, à une branche d'arbre non dépouillée de ses feuilles qui devait faire l'office de charrette, et charroya dans ce surprenant équipage les pierres dont il avait besoin. Les pierres charroyées, les boeufs ne voulurent plus quitter le saint. Longues années après sa mort, on les voyait encore accroupis côte à côte dans le porche. Chacun les pouvait venir prendre à la tombée de la nuit et s'en servir pour labourer, à la condition de les ramener avant le lever du soleil. Il n'était pas dans tout le pays de bêtes aussi braves au travail. Malheureusement, un paysan cupide commit le sacrilège de les garder après l'heure, et, depuis lors, on ne les revit plus sous le porche. Mais ils ne désertèrent pas pour cela la contrée. Des gens prétendent les avoir aperçus, tout blancs et comme lumineux dans la nuit, et quelquefois on entend au milieu des prés qui avoisinent l'église des meuglements surnaturels. Saint Herbot avait pu bâtir sa maison sans l'aide de personne, mais quand il s'agit d'y mettre une
toiture, il se trouva fort embarrassé. Il doit faire venir un couvreur. L'ouvrier ayant tout à faire à lui seul n'avançait
guère vite en besogne. Il répandit le bruit du miracle dans toute la contrée et, à partir de ce moment, les pèlerins commencèrent à amener vers St Herbot. Mais le Saint fuyait les hommages des gens, il ne se plaisait que dans le commerce des bêtes. Il entendait, dit on, leur langage et n'était jamais aussi content que lorsqu'il pouvait converser librement avec elles. Il aimait surtout les bestiaux, vaches et boeufs, veaux et génisses. Aussi, en entrant au paradis, a t'il demandé à être leur patron. De leur côté, ces animaux lui sont demeurés pieusement fidèles. Quand leurs maîtres oublient ou négligent de les mener au pardon de St Herbot, ainsi que cela se doit, ils s'y acheminent d'eux mêmes. Le fait a été constaté nombre de fois. Un jour de mai, il y a de cela environ Saint Herbot passe pour un des Saints C'est principalement au mois de mai que les pèlerins abondent, amenant leurs bêtes. Le lundi et le vendredi sont les jours préférés. On fait faire aux animaux le tour de l'église, puis on les conduit à la fontaine sacrée, où ils s'abreuvent et d'où l'on emporte des bouteilles d'eau, pour en asperger leur nourriture en cas de maladie. Il y a grande foire à Saint Herbot, dans la semaine qui précède le pardon. |