Honoré Gabriel Riquetti de Mirabeau

- Mirabeau

Honoré Gabriel Riquetti, aussi orthographié Riqueti, Comte de Mirabeau, plus communément appelé Mirabeau, né le 9 Mars (1749) au Bignon, mort le 2 Avril (1791) à 42 ans à Paris, fut simultanément ou successivement un Révolutionnaire Français, ainsi qu’un Ecrivain, Diplomate, Franc Maçon, Journaliste et Homme Politique Français. Surnommé "l'Orateur du peuple" et "la Torche de Provence", il reste le premier symbole de l’éloquence parlementaire en France. Un noble Déclassé adversaire de l'Absolutisme.

6ème enfant et 2ème fils de Victor Riquetti de Mirabeau, économiste de renom, et de Marie Geneviève de Vassan, Mirabeau est issu d'une famille de la Noblesse Provençale. Avant de présenter l'enfant à son père, la nourrice le prévient : "Ne vous effrayez pas". Et l'accoucheur d'ajouter : "Il aura beaucoup de peine à s'exprimer". A l'âge de 3 ans, il est défiguré par une variole mal soignée, son visage en garde de profondes cicatrices. Son enfance est marquée par la sévérité de son père qui n'a pas d'affection pour lui. Il est placé par son père chez l'Abbé Choquard à Paris. Il est emprisonné sur l'Île de Ré par lettre de cachet pour dettes. En (1754), son père écrit à son frère, le bailli de Mirabeau : "Ton neveu est laid comme celui de Satan". Il a également pour habitude de l'appeler "Monsieur l'ouragan".

Après avoir participé à la campagne de Corse en (1768)-b>(1769), il épouse Emilie, fille du puissant marquis de Marignane, qui avait refusé sa main au Comte de Valbelle. Ils ont un fils, Victor, mort en bas âge en (1778). En (1774), son père demande son emprisonnement au château d'If, au large de Marseille. Pour le soustraire à ses créanciers, son père le fait plusieurs fois enfermer au donjon de Vincennes, et finalement exiler en (1775) au château de Joux, en Franche Comté. Là, Mirabeau use de son charme auprès du gouverneur pour se rendre de nombreuses fois à Pontarlier, à l'occasion des fêtes organisées pour le sacre de Louis XVI de France, il y rencontre Sophie de Monnier, jeune femme mariée au marquis de Monnier, président de la chambre des comptes de Dole de près de cinquante ans son aîné, elle devint sa maîtresse. Ils s'enfuient tous deux aux Provinces Unies, tandis qu'on les juge à Pontarlier par contumace Sophie sera condamnée à l'enfermement à vie dans une maison de repentance pour crime d'adultère, Mirabeau à mort pour rapt et séduction.

Durant sa fuite, en (1776), Mirabeau publie son Essai sur le despotisme, qui dénonce l’arbitraire du pouvoir royal : "le despotisme n’est pas une forme de gouvernement, s’il en était ainsi, ce serait un brigandage criminel et contre lequel tous les hommes doivent se liguer." Les deux amants seront rattrapés à Amsterdam, Sophie arrêtée, Mirabeau se livrera. Après avoir mis au monde une fille, prénommée Gabrielle Sophie, elle est condamnée à être enfermée au couvent des Saintes Claires, à Gien, où elle est effectivement conduite en (1778). Lui échappe au bourreau, mais retourne, à cause d'une autre lettre de cachet, au donjon de Vincennes, durant 42 mois. Gabrielle Sophie sera confiée à une nourrice de Deuil et décédera en (1780) sans que son père n'ait jamais pu la connaître.

Mirabeau est donc emprisonné au donjon de Vincennes de (1777) à (1780). Il y rencontre Sade, qui y est enfermé à la même époque. Il y écrit beaucoup, des lettres, notamment à Sophie de Monnier, publiées en (1792) sous le titre de Lettres à Sophie, chef d’œuvre de la littérature passionnée, ainsi qu’un virulent libelle contre l’arbitraire de la justice de son temps, Des Lettres de cachet et des prisons d'Etat, mais aussi une œuvre érotique particulièrement crue. Des Lettres de cachet et des prisons d'Etat sera publiée en (1782). Les décès coup sur coup de ses 2 seuls petits enfants, Victor et Gabrielle Sophie, adoucissent Mirabeau père, qui ne souhaite pas que sa lignée s'éteigne. Il accepte de faire libérer son fils aîné, à condition de détenir une autre lettre de cachet qui pourrait le renvoyer en prison, Mirabeau fils accepte la condition, et doit lui même écrire aux ministres pour appuyer la requête paternelle.

Il est libéré le 13 Décembre (1780), mais reste sous la tutelle vigilante de son père. Celui ci le force notamment à demander une lettre de cachet contre Briançon, un de ses anciens amis, et surtout à le soutenir contre sa propre mère, en procès contre son mari au sujet de son héritage. En (1781), Mirabeau fuit Paris et ses créanciers, il se rend à Gien, où il voit Sophie dans son couvent, mais repart bientôt et ne la reverra plus. Sophie, bien que libre en (1783), après le décès du marquis de Monnier, restera près du couvent de Gien, et se donnera la mort en (1789). Se réconciliant avec son père, qui commence à voir en lui la puissance politique et l'intelligence, Mirabeau se concentre désormais sur l'absolution de ses différentes condamnations. S'il ne purge pas sa peine avant Mai (1782), il devra 40.000 livres de dommages et intérêts, il se livre donc le 8 Février (1782) à Pontarlier, et demande l'absolution aux juges. Sa défense est assez simple, une femme mariée ne peut être victime de rapt, et Sophie l'a suivi parfaitement librement, la séduction ne pouvant donc être retenue.

Sa femme demande la séparation de corps en 1782 et est défendue par Portalis. Mirabeau défend sa propre cause dans ce procès qui défraie la chronique. Il le perd, après une joute oratoire assez hostile entre les deux orateurs. Mirabeau ne montre pas de ressentiment à l'encontre de Portalis car, non seulement il reconnaît publiquement ses qualités oratoires et sa loyauté, mais, de surcroît, il le consultera plus tard sur une affaire et demandera son appui lors de la campagne électorale de 1789 pour les états généraux, en Provence19.

- Mirabeau en Politique

En Juin (1786), Talleyrand, avec qui il est lié, lui obtient une mission secrète à Berlin, où il reste 6 mois pour le compte du Contrôleur Général des Finances de Louis XVI, Charles Alexandre de Calonne. Il tente en vain d'être nommé à un vrai poste diplomatique. A son retour en Janvier (1787), furieux de n'avoir rien obtenu, il publie un pamphlet Dénonciation de l'Agiotage Mars (1787) qui entraîne une lettre de cachet et le contraint à fuir à Liège. Il fait partie en (1788), entre autres avec Brissot, Clavière et Condorcet, des fondateurs de la Société des amis des Noirs, créée pour l'abolition immédiate de la traite des Noirs et progressive de l'esclavage dans les colonies.

Mirabeau se présente en Provence aux élections des Etats Généraux de (1789). Repoussé par la noblesse, il publie un discours véhément adressé aux Nobles Provençaux. Il est alors nommé par le Tiers Etat, à Aix et à Marseille. Le 7 Mai (1789), le Courrier de Provence, le journal que le nouveau député publie depuis le 2 Mai, est saisi. Une interdiction de publier les comptes rendus des séances des Etats Généraux est édictée. Mirabeau n’en tient pas compte et continue à publier le compte rendu des séances de l’Assemblée, ainsi que les analyses des questions politiques à l’ordre du jour, d’abord sous le titre Lettres du Comte Mirabeau à ses commettants du 10 Mai au 25 Juillet (1789), puis sous le titre Courrier de Provence, qui paraît encore après la mort de son fondateur jusqu’au 30 Septembre (1791).

Lors de la séance Royale du 23 Juin (1789), Mirabeau fait une réponse à Henri Evrard, Marquis de Dreux Brézé, Grand Maître des Cérémonies, venu apporter l’ordre de dissolution de l’Assemblée Constituante signé par le Roi Louis XVI, que le Moniteur rapporte 2 jours plus tard en ces termes :
    " Oui, Monsieur, nous avons entendu les intentions qu’on a suggérées au Roy ; et vous qui ne sauriez être son organe auprès des Etats Généraux, vous qui n’avez ici ni place ni voix, ni droit de parler, vous n’êtes pas fait pour nous rappeler son discours. Cependant, pour éviter toute équivoque et tout délai, je vous déclare que si l’on vous a chargé de nous faire sortir d’ici, vous devez demander des ordres pour employer la force, car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes."

La tradition la ramenant à :
    "Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes".

Il ne tarde pas à devenir l’un des plus Energiques Orateurs de l’Assemblée Nationale et de la société des Jacobins.

Le surnom "d’Hercule de la liberté" lui est donné par l'abbé Sieyès. A la sortie de l'Assemblée Nationale, alors que la foule l'applaudit vivement, il proclame en désignant Mirabeau: "Vive, vive l'hercule de la liberté". Montrant son ami en retour, ce dernier répondit "Voilà Thésée". Le 9 Juillet (1789), il rédige une adresse au Roi pour lui demander de retirer les troupes étrangères massées autour de Paris. Il participe également à la rédaction de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, dont il écrit le Préambule avec Mounier, ce qui le popularise auprès du peuple.

- Mirabeau, Député du Tiers Etat

Le 8 Mars (1790), il prononce au club des Jacobins un discours resté longtemps inédit contre la traite des Noirs, dont une formule "bières flottantes" dénonçant les navires Négriers fera mouche puisqu'elle sera reprise, légèrement déformée en "longues bières", par Brissot en Février (1791), puis par Robespierre en Avril (1793). La dégradation de la Monarchie détermine son revirement politique. Il devient le plus solide appui de Louis XVI et de Marie Antoinette, en étant notamment le conseiller Privé de Louis XVI, fonction secrète pour laquelle il se fait rémunérer en livres d'or par heure. Auprès de ses amis révolutionnaires, il appuiera les idées de la révolution, alors que pour le Roi, et notamment la Reine qu'il rencontre en secret, il se montre comme un ardent défenseur de la Monarchie. Trahissant des deux cotés et corrompu par de nombreuses factions, Mirabeau proposera au Roi d'accepter la Monarchie Constitutionnelle voulue par l'Assemblée. Elle est selon lui, la seule sauvegarde possible de la Royauté. Ses interventions à l'Assemblée permettront notamment à Madame Adélaïde et Madame Victoire, dernières filles de Louis XV encore en vie, d'émigrer en Savoie, alors qu'elles étaient retenues à Arnay le Duc.

Après sa mort, quand on retrouvera des traces de sa correspondance avec la famille Royale, Mirabeau sera haï par le peuple de Paris et, chose rare, dé panthéonisé. Ses actes sont à nuancer cependant, l'idéal Constitutionnel de Mirabeau ne répondait pas seulement à un besoin vénal, mais certainement aussi à sa volonté de faire Réconcilier l'Assemblée et la Monarchie, motivée par son obsession d'éviter à la France de sombrer dans l'Anarchie. D'ailleurs, sur son lit de mort, alors qu'il n'aura plus rien à se faire acheter, Mirabeau demandera à Danton et La Fayette d’œuvrer pour une transition vers une Monarchie Constitutionnelle.

- Décès

Sa mort à Paris, le 2 Avril (1791) provoque une grande affliction du peuple. C'est la suite d'une maladie que certains attribuent à un empoisonnement, d'autres à sa vie de débauché. La rue où il meurt, rue de la Chaussée d'Antin, est rebaptisée, rue Mirabeau. Le 4 Avril, après une cérémonie religieuse dans l'église Saint Eustache, où Joseph Antoine Cerutti prononce son oraison funèbre, son corps est transporté en grande pompe au Panthéon et y reste jusqu’au 12 Septembre (1794) 26 Fructidor an II. En effet, la découverte de l’armoire de fer en novembre (1792) révèle qu’il avait pris clandestinement contact avec le Roi et sa cour. Espérant être Ministre de la Monarchie Constitutionnelle, il avait prodigué ses conseils et donné des informations. Un comité est chargé d'examiner l'accusation. La Convention décide d'exclure sa dépouille du Panthéon. Elle y est remplacée par celle de Marat. Son corps est transporté au dépôt mortuaire du grand cimetière de Saint Etienne du Mont, très voisin du Panthéon, pour y être inhumé. En (1798), sa sœur procéda à son exhumation et l’inhuma au cimetière de Clamart de manière anonyme. Malgré des recherches entreprises en (1889), son corps ne sera pas retrouvé. Les papiers personnels de la famille Riquetti de Mirabeau et de Honoré Gabriel de Riquetti, Comte de Mirabeau sont conservés aux Archives Nationales sous la cote 119AP28.

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