- Pierre le Vénérable
"Cluny 1122-1156"

Blason de Pierre le Vénérable (Né en (1092), mort en (†1156).

Pierre Marie de Montboissier, que l'histoire retiendra au nom de Pierre le Vénérable "Petrus Venerabilis" est né dans une famille Auvergnate de haut rang, du Comte Pierre Maurice de Montboissier et de Raingarde de Semur. Citons ses aïeuls Hugues le Décousu (910)-(986) et Eustorge, respectivement fondateur du monastère de la Cluse vers (966) et prévôt de Sauxillanges vers (983)-(986). Citons, plus près de lui, sa mère, Raingarde de Semur, veuve de Pierre Maurice de Montboissier et nièce d'Hugues de Semur, fille de son demi-frère Geoffroy III, vers (1025)-(1090) et qui entra au prieuré de Marcigny vers (1114) en tant que Cellérière. Ses frères Jourdan, Pons et Armand furent respectivement Abbé de la Chaise Dieu (1146)-(1157), de Vézelay (1138)-(1161) et de Manglieu. Un autre frère, Héracle, fut Archevêque de Lyon (1152)-(1163). Par ailleurs, 2 de ses nièces entrèrent dans les ordres.

Pierre le Vénérable fut offert comme Oblat au prieuré de Sauxilanges, dépendant de Cluny. Il fit profession vers (1109), fut écolâtre puis Prieur à Vézelay, avant d’être envoyé, vers (1120), par l'Abbé de Cluny, Pons de Melgueil, comme Prieur de Domène, fondation de Cluny, près de Grenoble, en Isère, avant d'être nommé Abbé de Cluny, le 22 Août (1122). Fraîchement élu, l'Abbé Pierre nomme Mathieu, Grand Prieur de Cluny, qui était jusqu’alors Prieur de St Martin des Champs et futur Cardinal d’Albano.

Considéré à juste titre comme le dernier des, Grands Abbés, le 7ème, de Cluny de (1122) à (1156). La société est entrée dans une ère nouvelle, structurelle, politique, économique, le nouvel Abbé de Cluny hérite d'un lourd passif et, entre son élection (1122) et le coup de force de Pons (1125), il s'emploiera à rétablir la situation spirituelle et matérielle de son monastère, aidé de manière active par Mathieu. Cette mutation, annonciatrice du déclin de la société Féodale dont Cluny est issu, ne touchera réellement la grande institution que (III siècles) plus tard.

Cependant, des difficultés sérieuses apparaissent. Parmi elles, l'économie domaniale Autarcique fondée sur l'exploitation en faire valoir direct, prémices du "Phalanstère et du Kolkhoze", jusqu'alors pratiquée et seule monnaie d'échange n'a plus court, dans l'économie monétaire qui lui succède, l'ordre s'endette faute de la maîtriser. La fréquentation de l'école Monastique chère à la vocation et à la tradition Bénédictine se déplace, quant à elle, vers l'école Cathédrale et ses Ecolâtres de renom. Mais si l'Abbaye Mère est à cette époque au plus fort de sa communauté avec 460 moines et si, dans le même temps, quelques 1.200 religieux et prieurs peuvent s'y rassembler en chapitre général dans une procession longue de 600 mètres, en rang par 2, cette vision de la plénitude de l'ordre ne suffira pas à masquer les autres difficultés, intérieures celles là qui se présenteront au nouvel abbé.

Les efforts accomplis pour assainir cette situation ne lui permirent pas de décider des mesures importantes à prendre avant (1132) au moins. Le concile de Latran I de (1123), réunit par Calixte II, aida au moins à clarifier la situation conflictuelle entre l'épiscopat et les moines. Latran I statuera définitivement à propos de droits sur les paroisses, et proclamera que "toute charge d'âme relève de l'Evêque", interdiction sera faite aux moines de s'instituer prêtres des églises qu'ils desservent et de donner l'extrême onction. Si Pons ne pouvait en aucun cas admettre les droits sur les paroisses , Pierre le Vénérable, lui, espérait de ce compromis des compensations de la part de l'épiscopat, qui avait parlé de dédommager les monastères sous forme de biens fonciers.

Les problèmes sont loin d'être terminés pour autant car le retour de Pons de Melgueil, qui occupera Cluny par la force en (1125)-(1126), a lieu au moment même où Bernard de Clairvaux engage une dispute très vive avec Cluny à propos de la nature du monachisme. L'un et l'autre points sont à n'en pas douter liés. Ce n'est pas un hasard si cette période noire de l'histoire de Cluny se cristallise sur un homme qui exacerbe ce que le mouvement clunisien a de plus superficiel et qui représente exactement ce que Saint Bernard combat de toutes ces forces, la vanité du paraître, l'étalage des richesses, les dépenses somptuaires, en lieu et place de l'humilité, de la simplicité et de la pauvreté.

Quand Pierre le Vénérable réinvestit sa charge après l'arrestation de Pons, il se retrouve une nouvelle fois dans la situation de rétablir la concorde et ce n'est pas chose facile. Des partisans, nombreux, de Pons se trouvent encore au sein de Cluny et perturbent sérieusement la vie du couvent. Des moines s'enfuient et agissent désespérément, on voit l'un se réfugier dans un beffroi et jeter de grosses pierres, blessant parfois gravement des passants, on en voit d'autres empoisonner leurs supérieurs dans des monastères environnants.

L'Abbé de Cluny s'attela à la tâche de pacification et de rénovation. En (1130)-(1131) encore, des mouvements d'agitation étaient signalés dans différentes dépendances de Cluny, à Vézelay (1130) et à la Charité sur Loire (1131) en particulier. Dès (1132), il présenta à 200 Prieurs et plus de 1.200 religieux un plan de réformes qui concernait essentiellement des coupes budgétaires nécessaires à différents niveaux de l'organisation clunisienne, qui seront édictés en statut 15 ans plus tard.

C'est donc vers (1130) que Pierre le Vénérable commença à chercher des solutions pour améliorer la gestion de son abbaye, dont le domaine ne produisait que le quart de ce qui était nécessaire à l'entretien de son personnel. Face à cette crise, certains établissement Clunisiens surent tirer leur épingle du jeu et recouvrer leur autonomie, l'abbaye de St-Bertin retrouva son indépendance en (1139), St Gilles du Gard en (1162). D'autres ordres Monastiques se créent et s'affirment, Cîteaux sous l'impulsion d'un Bernard de Fontaine, abbé de Clairvaux et futur St Bernard, viendra contredire et concurrencer Cluny, la Grande Chartreuse fondée par saint Bruno appellera au désert les plus mystiques, Prémontré fondé par St Norbert attirera à lui d'autres vocations, régulières et séculières à la fois, Fontevrault fondé par Robert d'Arbrissel, détourne de Marcigny ses moniales.

Cluny n'est plus seul. A cela, il faut ajouter le désir d'autonomie des grands monastères anglais et allemands jusqu'alors affiliés à l'ordre. Pourtant il ne faudrait pas voir notre Abbé simplement tourné vers la défense de son monastère et de son ordre, ce qui est loin d'être le cas, la même année, il n'hésita pas à se rendre à Rome à la mort du Pape Honorius II, suite à laquelle les Cardinaux se divisèrent sur la question de la réforme Grégorienne et élurent 2 Papes, Innocent II et Anaclet, ce dernier ayant eu les faveurs de l'Abbé de Cluny et des Princes de France, ce qui ne l'empêcha pas d'être désavoué par le concile de Latran II (1139). En (1135), il se rendit au concile de Pise, qui condamna en particulier Pierre de Bruys, et dans plusieurs villes italiennes entre (1139) et (1141). L'Abbé de Cluny, nous ne manquerons pas de le constater, n'hésitera jamais à voyager chaque fois qu'il l'estimera nécessaire.

Par ailleurs, Pierre le Vénérable, homme des plus cultivés de son temps, prend part activement aux grandes affaires de l'Eglise, En (1139)-(1140) il dénonce, par son "Traité contre les Pétrobrusiens", ce qu'il pense être des errements de Pierre de Bruys, mort brûlé vif à Saint-Gilles du Gard avant (1140), par des fidèles qui, dit-on n'auraient pas supporté qu'il brûlât la croix du Christ, justement à cause du symbole de souffrance qu'elle représentait.

En (1140) toujours, Pierre le Vénérable accueille à Cluny, et pour quelques temps, un autre hérésiarque, fameux celui-là : Abélard, condamné pour hérésie en (1140) par le concile de Sens. L'Abbé parviendra même à lever l'excommunication qui frappait le philosophe et lui offrit l'hospitalité du prieuré clunisien de Saint Marcel lès Chalon, 2 km de Chalon sur Saône , où Abélard mourra le 21 Avril (1142), après avoir reçu de son hôte, et par écrit, son absolution.

Si Pierre le Vénérable avait été charitable pour Abélard, il ne l'était pas du tout pour les juifs et les mahométans, qui sont pour lui des hérétiques comme lui même l'est aux yeux d'un juif ou d'un musulman. Dès (1142), profitant d'une tournée d'inspection des monastères espagnols affiliés à Cluny, l'abbé de Cluny demande à son secrétaire, Pierre de Poitiers, de monter une équipe qui sera chargée de traduire le Coran. Oeuvre de tolérance et d'ouverture? Certes non, l'abbé fait partie de son temps, celui où la science religieuse commence à argumenter la foi et remplacer le combat des armes par celui de la "connaissance". C'est donc pour une querelle pied à pied, texte contre texte, que Pierre le Vénérable réclame cette tâche , accomplie au cours de l'année (1143).

Pierre le Vénérable ira plus loin que la simple dispute dans son virulent, "Contre la secte des Sarrasins", les traitant de chiens, et ne supportant pas l'idée qu'ils s'approprient le sol que Jésus a foulé. L'abbé de Cluny porte t il tant de respect à la terre du Juif Jésus ? Bien sûr que non. Il va même jusqu' à écrire à Louis VII que les Juifs s'adonnaient à d'horribles pratiques munis des objets du culte. Si Pierre le Vénérable n'appelle pas à leur génocide, n'allez pas croire que c'est par mansuétude, non, au contraire, il sait que Dieu leur réserve un sort bien pire que la mort, les tourments de l'enfer.

Haut de page