- Odon Abbé
de Cluny "927-942"

(Né vers (879-880) en Touraine, mort à Tours le 18 Novembre (†942).

Né vers (880) dans le Berry, Odon est le fils d'un aristocrate militaire, probablement du Limousin, Abbon, et de sa femme Hildegarde, qui le consacrent à St Martin de Tours, un des Saints les plus vénérés de l'époque. Sa famille était liée à plusieurs grandes familles régnantes. Odon est, en effet, envoyé par ses parents à la Cour de Foulques II, comte d’Anjou, s'initier au métier des armes, puis à celle du duc d'Aquitaine, Guillaume II dit le Pieux, où il devait servir dans son administration. Cependant, une maladie met un frein à ces activités. Une violente douleur à la tête le prend par surprise, l'empêchant de se tenir debout. Cette maladie étrange lui cause de tels désagréments qu'il se croit à l'article de la mort et jure de servir saint Martin, que sa famille imagine être l'origine des maux, pour l'éprouver, toute sa vie s'il en réchappe. Il est finalement sauvé et prend alors l'habit de chanoine au chapitre de St Martin de Tours. A Paris, ensuite, il est élève de Rémi "Remigius" d’Auxerre, qui lui apprend Virgile et la musique, à travers laquelle il fut le premier à donner à Cluny ses accents particuliers. De retour à Tours, il a la bonne fortune de recevoir du comte Foulque une prébende de chanoine à Saint Martin, où il s'éprouve, concurremment à l'étude, par des actes d'austérité et de pénitence. C'est là qu'il compose un abrégé des "Moralia in Job", de Grégoire le Grand.

Il entra à l’Abbaye de Baume après l’incendie du bourg monastique de Saint Martin en (903) par les Normands. "C'était une des rares communautés, dit Jean de Salerne, où la vie régulière dans l'esprit de Benoît d’Aniane était scrupuleusement observée". Moine à Beaune quand Bernon, fondateur de Cluny en (909) en était l'Abbé, il le nomma Prieur de la communauté naissante. Bernon s'attache rapidement à Odon, et lui confie d'abord la charge de l'école claustrale de Baume, avant de lui faire rejoindre la communauté de Cluny, où il entre vers (924)-925). Odon arrive à Cluny avec sa bibliothèque personnelle, elle compte cent volumes, ce qui est impressionnant pour l'époque, il a appris le latin dans "Virgile" et la musique avec Rémi d'Auxerre, cette musique, qui jouera un rôle primordial dans sa vie et que lui même a défini pour des Siècles, le chant sacré "Clunisien" et sa tonalité particulière, commune à toute l'obédience. Écrivain prolifique, il a rédigé un abrégé du traité de "St Grégoire le Grand" sur le livre de Job, les "Collationnes" ou tableau effrayant du monde en trois parties, ainsi que des hymnes, des séquences, des antiennes et des psaumes, une Vie de St Géraud, des sermons, un poème intitulé "occupatio" ou méditation de 5.500 vers, en 7 chapitres sur l'histoire du Monde. Il dénonce avec éloquence l'esprit d'orgueil et de luxure, selon lui à l'origine de tous les maux. Odon appuie de tout son prestige la royauté en guerre contre les féodaux, il réforme avec énergie de nombreux monastères en déshérence. Odon succéda à Bernon après sa mort en (†927). Le testament de Bernon lui confie la direction de Cluny, pour laquelle il obtiendra plus de 80 donations, de Massay et de Déols du Bourg Dieu, près de Château Raoul, aujourd'hui Châteauroux. Il marqua de son empreinte Cluny. Il veilla à ce que la nouvelle Abbaye ait une bonne bibliothèque, avec les oeuvres des derniers maîtres de la renaissance carolingienne. Il fit également que Cluny devînt centre réformateur monastique.

Odon va aller plus loin que son prédécesseur en ce qui concerne le soutien Papal à l'exemption de Cluny, mais aussi sa réforme, notamment dans le domaine liturgique et musical. En Mars (931), le pape Jean XI accorde, dans un privilège, à Cluny un droit de réforme permettant à son Abbé de prendre en charge tout monastère à la demande d'un Abbé laïc et d'accueillir tout moine dont le monastère refuse d'être réformé. Dès ce moment, Odon va être appelé à réformer et à prendre la tête d'un grand nombre de monastères. On retrouve ainsi Odon à la tête, entre autres, de Fleury, St Benoît sur Loire, où il est appelé par son ami Hugues l'Abbé à restaurer la discipline monastique, de St Junien de Tours, de St Pierre le Vif à Sens, et d'autres monastères à Aurillac, Sauxillanges, Tulle, Limoges, Périgueux (936), St Allyre de Clermont, Sarlat en Périgord, Ambierle dans la Loire, donnée à Cluny en (938), etc. Odon oeuvre beaucoup en Italie, entre (936) et (942). Le Patrice de Rome, Albéric, lui demande de réformer l'Abbaye de Farfa, en Italie, où sévissaient dépravations et crimes, mais aussi de tous les monastères autour de Rome, dont il le fait Archimandrite, en particulier Sainte-Marie sur l'Aventin, qu'il fonde lui même, St Laurent, Subiaco, le monastère de Benoît de Nursie, St Paul hors les murs.

Pendant qu'il était au couvent de Saint Paul, à Rome, l'Abbé Baudoin le supplia de faire des corrections et des observations au livre des Dialogues de la Vie de Saint Martin, composé par Sulpice Sévère. Il acquiesça à sa prière et donna d'abord le volume à corriger à un autre religieux. Tandis qu'il y travaillait, on sonna l'office du soir, et, à l'instant même, pour obéir, à la règle, qui ordonne qu'alors on quitte tout, et même une lettre commencée, pour se rendre au choeur, notre Saint ainsi que celui qui corrigeait sous lui, laissèrent le livre ouvert dans le lieu du travail, pour aller où la cloche les appelait. C'était en hiver, et il plut toute la nuit en telle abondance, que l'endroit où était ce livre en fut tout inondé. Cependant il ne fut mouillé qu'autour des marges, et l'on n'y trouva pas une seule lettre endommagée. On voulut lui attribuer cette merveille, mais il en référa toute la gloire au glorieux St Martin, dont la vie était écrite en ce volume. Il visite avec succès les abbayes de Pavie, St Pierre au Ciel d'Or, Salerne, etc. C'est à la demande du seul Pape honorable de cette époque, Léon VII, qu'à 3 reprises, Odon dût se rendre à Rome pour y réconcilier le prince Albéric d'avec son gendre, Hugo Hugues, Roi des Lombards.

C'est au cours de son 3ème voyage en Italie qu'Odon meurt, en (†942).

En ce qui concerne la liturgie, Odon se montre encore plus strict que ne l'est déjà la règle réformée d'Aniane, déjà exigeante. Il instaure à Cluny la fête de Saint Martin de Tours, et ordonnance vraisemblablement son répertoire d'hymnes, basés sur des modèles Tourangeaux. Musicien de talent, il composa des hymnes "l'incipit du Rex Christe, Martine iam Consul et Rex Christe, Martini decus/Martine, par apostolis", 12 antiennes composées pour les fêtes de Saint Martin de Tours est commandée par les Chanoines de la ville. On ne connaît guère de traité de musique sous son nom, mais ses "Collationes" les Conférences, écrit à la demande de Turpion, évêque de Limoges, vers (926) donnent de précieuses indications sur l'idée qu'il s'en fait, au contraire de "cultiver la gorge" la musique doit se faire psalmodie pour sanctifier nos âmes, expulser nos mauvais désirs, nous avons là une parfaite illustration de l'évolution musicale qui préparera la réforme grégorienne.

* Odon était cultivé et possédait des talents pour l'écriture. Parmi ses oeuvres, nous retiendrons surtout, en plus de ce que nous avons cité :
* "Occupatio", une poésie épique sur l'histoire du salut depuis la Pentecôte.
* "Vita Sancti Geraldi Auriliacensis" la Vie de St Géraud d'Aurillac, où il brosse le portrait du guerrier chrétien, souvenir de ses 1ères armes, et du Seigneur aussi puissant que juste, qui était son disciple et ami. Ouvrage écrit peu après la mort de Géraud, datant de (†909), à la demande de Turpion.
* "Epitome" les Epitomés, abrégés d'ouvrages antiques. "Sermones" les Sermons, à travers lesquels il insistait sur l'autorité des Papes et des Evêques, sur la chasteté, les rites de la liturgie qui participaient beaucoup à faire des moines des intimes du Christ, ces derniers se devant d'atteindre la béatitude, la félicité angélique selon lui "vita angelica" en 7 étapes.
* Un récit de la translation du corps de St Martin de Tours en Bourgogne.

Les successeurs d'Odon à Cluny continuèrent son oeuvre. Odon mourut en (†942), ayant réformé l’Abbaye de Fleury. Il était également Abbé de Morsay, Déols, St Julien de Tours entre autres.

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