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Glossaire - Biographies
Page 2 - Chronologie - Abbesses
Photos - Gravures

- Port Royal des Champs


* Diocèse : Archidiocèse de Paris
* Fondation : (1204)
* Dissolution : (1709)
* Abbaye-mère : Abbaye des Vaux de Cernay
* Lignée de : Abbaye de Clairvaux
* Abbayes-filles : Abbaye de Port Royal de Paris
* Ordre : Cistercien
* Style : Gothique

- Situation
* Pays : France
* Province : Ile de France
* Département : Yvelines
* Commune : Magny les Hameaux

- Historique

Port Royal fut fondée en (1204) par Mahaut de Garlande, femme de Mathieu de Montmorency Marly, et sur les conseils d'Eudes de Sully, Evêque de Paris. Le séjour choisi pour les 12 religieuses, qui composaient la communauté naissante, était austère et malsain, situé à 8 lieues à l'Ouest de Paris, près de Chevreuse. Un vallon sauvage et encaissé, couronné de hauteurs boisées, une eau croupissante, provenant d'un étang artificiel, qui fut comblé en (1842), en contrebas duquel on éleva le monastère. La maladie décimera souvent les religieuses. Ce lieu, dépendait de la paroisse de l'Essart, aujourd'hui, Magny les Hameaux, avec une chapelle dédiée à St Laurent, et que l'on nommait vallon de Porrois. La bulle du pape Honorius III, traduisit inexactement ce nom en appelant l'Abbaye "Sancta Maria de Portu regio", et le nom de "Portus Regius", retraduit en "Port Royal", fut dès lors attribué au lieu et à l'Abbaye.

L'Eglise, construite par l'architecte Robert de Luzarches, fut achevée en (1229). Dès (1225), le monastère passe sous la juridiction de l'ordre de Cîteaux, qui possédait, à 9 kilomètres, de là, l'abbaye des Vaux de Cernay. St Louis leur prodigua ses bienfaits. En (1223), le pape Honorius III lui avait accordé de pouvoir servir de retraite à des Séculières qui voudraient faire pénitence sans se lier par des voeux. C'est par cette adjonction d'éléments laïques que, quelques siècles plus tard, Port Royal doit s'illustrer et se perdre. Enrichie par les donations des Seigneurs de Montmorency Marly, de Chevreuse, de Montfort, de Lévis, elle comptait, dès (1234), 60 religieuses. On ne sait trop ce qu'il advint de la fondation de Mahaut de Garlande au (XIVème siècle) et au (XVème siècle). Elle existait toujours à la fin du (XVIème siècle) mais la discipline, comme dans beaucoup de maisons religieuses, s'y était fort relâchée. On négligeait la règle de St Benoît et les ordres de l'Abbé de Cîteaux. En (1574), l'Abbesse fut même menacée d'excommunication et obligée de quitter la maison.

- Jacqueline Marie Arnauld

En (1599), Jacqueline Marie Arnauld est nommée Coadjutrice de l'Abbesse, et du jour où cette famille de grands bourgeois entre dans l'histoire de Port Royal, commence pour l'abbaye une ère nouvelle. Les écrivains Jansénistes, comme Racine, se sont tus sur les circonstances au moins singulières dans lesquelles la petite Jacqueline Arnauld fut nommée Coadjutrice, puis Abbesse. Tout ce qu'on peut dire, c'est que de pareils faits n'étaient pas rares à cette époque. Jacqueline Arnauld n'avait que (7) ans et quelques mois, quand son père Antoine Arnauld et son grand père, M. Marion, ancien Président des Enquêtes et Avocat Général, songèrent pour elle à l'abbaye de Port Royal, en même temps que pour sa jeune soeur Jeanne, âgée seulement de 5ans½, ils jetaient les yeux sur l'abbaye de St Cyr. En France, l'affaire alla toute seule, Henri IV, fort coulant sur ces questions d'Abbayes et de Monastères, accorda tout ce qu'on voulut. Mais la cour de Rome faisait des difficultés, objectait l'extrême,jeunesse des enfants, et refusait d'envoyer les bulles. Arnauld avait bien essayé de vieillir un peu ses filles. Les actes envoyés à Rome leur donnaient quelques années de plus que leur âge véritable, on les trouvait encore trop jeunes. Alors Arnauld, représenta Jacqueline sous le nom d'Angélique, religieuse professe, âgée, prétendait on, de (17) ans. Tout cela n'a rien de bien édifiant, et l'on ne pourrait guère prévoir que de la supercherie d'un avocat, soucieux de pourvoir ses enfants, va sortir la Renaissance de Port Royal.

Toutes ces négociations, où s'employa le cardinal d'Ossat, durèrent quelque temps, c'est seulement en Juillet (1602) qu'Angélique prend possession de l'abbaye. Elle n'avait pas (11) ans. On s'empressa de lui faire faire sa 1ère communion, et il y eut ce jour là, à Port Royal, compagnie nombreuse et grand festin. C'était en réalité Mme Arnauld qui dirigeait les quelques religieuses dont se composait la communauté. Angélique, avec son titre d'Abbesse, continuait à Port Royal sa vie d'enfant, elle recevait des visites, en faisait, se promenait en voiture aux environs. Quelquefois on envoyait chercher, pour partager ses jeux, au Monastère de St Cyr dont elle était l'abbesse, sa jeune soeur Jeanne, celle qui devint plus tard la mère Agnès. Cependant cette existence ne satisfaisait point la jeune fille, quand elle eut (15) ans, le dégoût du cloître fut même si fort en elle qu'elle songea à s'enfuir à La Rochelle, ou elle avait des tantes qui appartenaient à la religion réformée. Une maladie assez grave l'empêcha d'exécuter ce projet, on la transporta à Paris, chez son père, qui réussit à lui faire signer, bien malgré elle, le renouvellement de ses voeux. Elle revint à Port Royal assez découragée, gardant encore au coeur le goût du monde.

- La Renaissance

En (1608), un Capucin, qui avait quitté son couvent par libertinage, prêcha par hasard à Port Royal, le sermon de ce mauvais moine eut tant de force et d'élévation qu'il transforma la jeune, Abbesse. A partir de ce jour, ses idées ne s'orientent plus que vers le cloître. Elle commence par s'imposer les mortifications et les austérités les plus rudes, puis elle se propose de réformer sa maison, en y rétablissant dans son intégrité la règle de St Benoît, et elle réalise ses projets malgré l'opposition de son Père, effrayé de cette soif de réformes et de ces excès d'ascétisme. Par la persuasion seule, elle décide peu à peu ses religieuses à mettre leurs biens on communauté, et à s'astreindre à une clôture sévère. Cette dernière mesure fut marquée par un véritable coup d'État, que Ste Beuve a appelé "le coup d'État de la grâce". On se demandait en effet dans le couvent si, le,jour où M. Arnauld se présenterait à la porte, sa fille oserait lui en interdire l'accès. Elle l'osa le 25 septembre (1609), sourde aux supplications, aux reproches, à la colère de son Père, de sa Mère, de son Frère.

L'entrevue de la mère Angélique et de sa famille eut lieu à travers la grille. Telle fut cette fameuse "Journée du Guichet", célébrée avec tant d'enthousiasme par les historiens de Port Royal. Avec l'ardeur d'une âme éperdue d'ascétisme et de charité, la mère Angélique, insensible aux déclamations des Moines et des Abbés, qu'effarouchait son zèle novateur, voulut faire rayonner la Sainteté de ses réformes sur les couvents voisins. Son apostolat n'allait pas toujours sans dangers et sans épreuves. Elle s'occupait à réformer le monastère de Maubuisson, dont l'abbesse, soeur de Gabrielle d'Estrées, avait été interdite à la suite d'une vie scandaleuse, et enfermée aux Filles Pénitentes. L'ordre commençait à revenir à Maubuisson, quand Mme d'Estrées, à la tête d'une bande de gentilshommes, fit irruption dans son ancien couvent, et en chassa la mère Angélique. L'Abbesse de Port Royal, et les religieuses qu'elle avait amenées avec elle, durent s'enfuir à Pontoise, devant la pointe des épées et la menace des pistolets. Il fallut un arrêt du Parlement, un prévôt et des archers pour avoir raison de Mme d'Estrées, et permettre à la Mère Angélique de continuer paisiblement ses réformes dans le monastère épuré (1618).

Elle y resta jusqu'à l'installation de la nouvelle Abbesse, qui, trouvant les religieuses trop nombreuse pour les revenus dont elle disposait, lui demanda d'amener à Port Royal 30 de ses religieuses. Tous les contemporains admirèrent ce beau trait de générosité de la Mère Angélique, car Port Royal était pauvre, ses revenus ne dépassant pas 6.000 livres. L'abbaye se trouva bien tôt trop étroite pour loger toutes ces nouvelles venues, construite pour 12 religieuses, elle en abritait maintenant 80. L'endroit, déjà fort malsain, ne tarda pas à devenir intenable. La fièvre y était en permanence 15 religieuses moururent en 2 ans. Mme Arnauld, veuve depuis (1619), et décidée à prendre le voile, insistait beaucoup pour le transfert de l'abbaye à Paris. Au bout du faubourg St Jacques, on acheta l'hôtel de Clagny, on emprunta pour agrandir et aménager les bâtiments, et la communauté s'y installa au commencement de (1626). Port Royal de Paris subsiste encore, c'est aujourd'hui l'hospice de la Maternité, anciennement rue de la Bourbe, aujourd'hui, boulevard de Port Royal. A la maison des Champs, on ne garda qu'un Chapelain pour desservir l'église.

- Saint-Cyran

L'année suivante, la mère Angélique se signala par un bel exemple de modestie chrétienne, en demandant que les abbesses fussent désormais triennales. Elle obtint aussi que l'Abbaye passa sous la surveillance de l'Archevêque de Paris, ce qui la soustrayait à la dépendance de Cîteaux. En (1633), elle est nommée Supérieure de la maison du St Sacrement, que venait de fonder, rue Coquillière, Zamet, Evêque de Langres. Port Royal lui même subit quelque temps l'influence de ce prélat. Elle fut mauvaise et faillit faire dévier l'esprit de la communauté, en l'inclinant vers les pratiques d'une dévotion mesquine, le mysticisme et l'illumination. Mais une autre direction, celle de St Cyran, allait se substituer à celle de Zamet, et c'est ici que nous touchons au noeud de Port Royal et du Jansénisme. St Cyran (1581)-(1641) était lié depuis longtemps avec l'aîné des Arnauld, M. d'Andilly dès qu'elle l'entendit, la Mère Angélique lui soumit son âme. Elle crut retrouver en lui, écrit Racine dans son Abrégé de l'histoire de Port Royal, le St Evêque de Genève. (15) années plus tôt, elle avait, en effet, reçu les conseils de St François de Sales, mais, avec St Cyran, pénétrait à Port Royal un Christianisme d'une fougue et d'une âpreté presque Espagnoles, bien différent de la dévotion un peu molle et tout Italienne de l'Evêque de Genève.

Dès lors, les événements importants se succèdent dans l'histoire de Port Royal. En (1636), la Mère Angélique quitte, le couvent du St Sacrement, pour rentrer à l'abbaye du faubourg St Jacques, comme directrice des Novices. Sa soeur, la Mère Agnès, en était l'Abbesse, St Cyran le directeur, et M. Singlin le confesseur. En (1637), le jeune avocat Le Maître, neveu de la Mère Angélique, qui recevait la direction spirituelle de St Cyran, abandonne le barreau où il était déjà célèbre, avec son frère Séricourt, qui quitte l'armée pour le suivre, il vient demeurer dans un petit logis attenant au Port Royal de Paris. Lancelot, un peu plus tard Sacy se joignent à eux. Tels furent les 1ers Solitaires. Quelques enfants, que St Cyran faisait élever avec ses neveux, voilà le début des Petites Filles. Mais, le 14 Mai (1638), St Cyran est enfermé à Vincennes, et les Solitaires reçoivent l'ordre de quitter leur petite maison du faubourg St Jacques. Après un court séjour à Port Royal des Champs, ils sont dispersés de nouveau, et la plupart se réfugient à La Ferté Mion chez le grand oncle de Racine. Ils reviennent à Port Royal des Champs et s'y installent vers la fin de l'été (1639). En (1640), paraît l'Augustinus. St Cyran est élargi le 6 Février (1643), et meurt quelques mois après.

Il laissait un successeur dans le jeune Antoine Arnauld, en qui il avait reconnu le futur défenseur du parti. L'influence de ce jeune homme, déjà grande sur les Solitaires, éclata en cette même année (1643), d'une façon retentissante, par le traité de la "Fréquente Communion". Arnauld fut forcé de se cacher, mais le succès de son livre attira à Port Royal des Champs de nouvelles recrues, le médecin Victor Pallu, d'anciens soldats comme La Rivière, le duelliste La Petitière, enfin, en (1646), Robert Arnauld d'Andilly (1588)-(1674), qui, à l'âge de (57) ans, abandonna ses charges, pour venir vivre au milieu des Solitaires. Il fit dessécher des marais, assainit, défricha, planta, embellit, et par sa situation mondaine, par les visites qu'il continuait à recevoir au monastère, il fut comme le trait d'union entre Port Royal et le monde.

- Les Solitaires

De (1646) à (1656), s'écoule une période, remplie surtout, d'une part, par la multiplication croissante des Solitaires, et de l'autre, par les discussions sur les propositions de Jansénius. En (1647), l'Institut du St Sacrement fut transféré à Port Royal. Les religieuses, qui portaient jusque là le "Scapulaire Noir des Bernardines, prirent le Scapulaire Blanc, avec la croix de laine rouge sur la poitrine". C'est sous cet habit que Philippe de Champaigne, nous les présentes dans ses tableaux. En Mai (1648), la Mère Angélique revint à Port Royal des Champs, avec un certain nombre de religieuses. La veille de leur départ, le coadjuteur Paul de Gondi vint leur dire adieu et leur donner sa bénédiction. Par une bizarrerie singulière, toujours Port Royal devait entretenir de bons rapports avec cet homme, si peu conforme à son esprit, et ce sera plus tard auprès du Roi un des principaux griefs de ses adversaires.

A l'arrivée des Religieuses, quelques Solitaires, faute de place, quittèrent le séjour des Champs, ils louèrent une maison à Paris, près du monastère, puis on bâtit aux environs de Port Royal des Champs, surtout à la ferme des Granges, et peu à peu tous les solitaires purent regagner leur désert. La 1ère guerre de la Fronde suivit de peu de mois le retour aux Champs. La charité des religieuses fut admirable, le monastère ouvrit ses portes comme un asile aux paysans, à leurs familles, même à leur bétail. Quelques uns des vieux officiers, retirés parmi les Solitaires, reprirent allègrement l'épée et le mousquet, pour défendre les points faibles de la clôture. La 2ème Fronde, plus menaçante encore, obligea toutes les religieuses à regagner le monastère de la ville Avril (1652). Elles retrouvèrent, en Janvier (1653), leur cloître agrandi par les soins du Duc de Luynes, qui venait de s'installer à 100 pas de l'abbaye, au château de Vaumurier. Mlle de Vertus, fille de Claude de Bretagne, descendant d'un frère de la Reine Anne, et Mme de Longueville, soeur du Grand Condé, faisaient, édifier leur maison dans l'enceinte même del'abbaye.

Au dehors l'orage grondait sur Port Royal. Cette même année (1653), les 5 Propositions Jansénisme sont condamnées en Cour Dellome. En (1656), Arnauld est rayé, comme indigne, de la Faculté de Théologie, et tout Port Royal semble menacé avec lui. On sait quel formidable champion trouva le Jansénisme dans une des dernières recrues qu'il venait de faire, et comment la bataille, perdue par Arnauld devant la Sorbonne, fut regagnée par Pascal devant l'opinion. Mais le succès éclatant des Provinciales, en affolant les adversaires, et en irritant le pouvoir, aggrave le péril, au lieu de le conjurer. Les Jésuites, qui voulaient être les seuls éducateurs de la jeunesse, avaient été alarmés du succès des "Petites Écoles" et, en Mars (1656), ils en obtinrent la fermeture. Les Solitaires sont obligés de quitter Port Royal, il est même question d'enlever aux religieuses des 2 maisons leurs novices et leurs pensionnaires. La communauté semblait en grand péril, quand brusquement la nouvelle se répandit dans Paris qu'un miracle venait d'avoir lieu au couvent du faubourg St Jacques. Une jeune pensionnaire de (10) à (11) ans, Marguerite Périer, la nièce de Pascal, venait, disait on, d'être guérir d'une fistule lacrymale, par l'imposition d'une épine de la couronne du Christ. C'est le miracle de la "Sainte Epine", si fameux dans l'histoire de Port . Cet événement, autour duquel le parti Janséniste mena grand bruit, impressionna la dévotion espagnole d'Anne d'Autriche. Il ne fut plus question d'enlever aux religieuses les pensionnaires et leurs novices, on leur laissa la liberté d'en recevoir tout autant qu'elles voudraient. Le désert même des Champs se repeupla peu à peu, un a un, les Solitaires regagnaient sans bruit leur Solitude.

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