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- les petites Ecoles
L'es trêves
accordées n'étaient jamais longues. La persécution
reprit en (1660), quand les Jésuites obtinrent enfin la
destruction des "Petites Écoles". L'idée de leur fondation
venait, comme nous l'avons dit, de St Cyran. A travers toutes les
tracasseries suscitées par les Jésuites, elles
durèrent de (1638) environ à (1660). Comme le but de leur
institution semble avoir été de réaliser un milieu
entre l'éducation domestique et le collège, le nombre des
élèves n'y fut jamais bien considérable. Jamais
elles n'en comptèrent plus de 50 à la fois, et
encore ce nombre ne fut il pas toujours atteint. Elles se tinrent
d'abord à Port Royal des Champs, puis à Paris, dans le
cul de sac de la rue St Dominique d'Enfer, enfin elles revinrent aux
Champs, où elles refleurirent en 3 groupes, aux Granges, au
château des Trous, Boullet ou Boulay, près de Chevreuse,
chez M. de Bagnols, et au Chesnay, près Versailles, chez M. de
Bernières. Ces 2 messieurs, tout en faisant élever
leurs enfants chez eux, consentaient à en recevoir d'autres,
sous la direction des "Messieurs de Port Royal". Telles furent ces
"Petites Ecoles", dont Racine fut l'élève le plus brillant,
mais capricieux et révolté, et Lenain de Tillemont
Par
les maîtres qui y enseignaient, Lancelot, Nicole, Wallon de
Beaupuis, etc., par les livres auxquels elles ont donné
naissance, et dont les principaux sont "la Logique, la Grammaire
générale, le Jardin des racines Grecques, les nouvelles
méthodes pour apprendre facilement le Grec, le Latin, l'Italien,
l'Espagnol", leur influence n'a pas laissé d'être
considérable et a survécu à leur existence
même. Port Royal voulait qu'on apprit, à l'enfant à
épeler non plus en latin, mais en français, que, pour
rendre à l'enseignement du grec la place qu'il avait perdue, on
lui consacrât presque exclusivement 3 ou 4 années.
Dès que l'enfant commençait à
savoir un peu de latin, on donnât plus de temps à la
version, moins au thème, qu'on réservât à
quelques élèves de choix l'exercice des vers latins.
Voilà des idées neuves, dont quelques unes seront
reprises plus tard. Ajoutons que Port Royal, par un scrupule de morale
chrétienne, faisait aussi peu que possible appel à
l'émulation chez ses élèves.
- Les Persécutions
La suppression des
"Petites Ecoles" n'était que le signal d'une persécution,
qui ne va pas cesser pendant les 8 années qui suivent. Le
formulaire dressé par l'assemblée générale
du clergé de (1657), tombé depuis en
désuétude, fut remis en vigueur par l'assemblée de
(1660). Le Roi était décidé à en finir avec
le Jansénisme. Aussi, avant même d'exiger la signature des
religieuses, commença t'on à sévir contre le
Monastère. En Avril (1661), le Lieutenant civil Daubray ordonna
de faire sortir, tant de la maison de Paris que de celle des Champs,
les pensionnaires, les postulantes et les novices, avec défense
d'en recevoir à l'avenir. Après l'échec du projet
d'accommodement tenté par l'Evêque de Comminges, la
persécution reprit avec le nouvel Archevêque de Paris,
Hardouin de Péréfixe. Les religieuses les plus
obstinées sont enlevées du monastère aux
journées du 21 et du 26 Août (1664), et remplacées
par des filles de Ste Marie. De nouveaux enlèvements ont lieu en
Novembre et Décembre. En Juillet (1665), on interne aux Champs
toutes les religieuses de Port Royal, tant celles qui étaient
restées dans la maison de Paris, que celles qui avaient
été enfermées dans divers couvents.
Réunies
à celles qui se trouvaient déjà au vieux
monastère, elles formaient une communauté d'environ
70 personnes. On avait pris cette mesure pour les
empêcher de communiquer, comme elles le pouvaient faire à
Paris, avec Arnauld et leurs principaux conseils. Un seul des
Solitaires, le médecin Hamon, eut le droit de les visiter et de
vivre auprès d'elles. Elles passèrent près de
4 ans, ainsi séquestrées, privées des
sacrements, surveillées par des gardes postés autour des
murailles. L'interdit ne fut levé qu'en février (1669),
à la paix de l'Église, quand les religieuses eurent
signé une requête à l'Archevêque, dont il
avait prescrit les termes, et qui contenait leur soumission. Elles
condamnaient les 5 Propositions, et, sur le fait de leur attribution
à Jansénius, s'en remettaient au St Siège. Le 18
Février, les portes de leur chapelle se rouvrirent, les cierges
se rallumèrent, les cloches sonnèrent sur le vallon
réjoui. Restait à régler la question du temporel.
La pauvreté des religieuses des Champs avait été
extrême durant ces quelques années. La persécution
prenait toutes les formes et détournait une partie de leurs
biens, pour les attribuer aux religieuses de Port Royal qui avaient
signé, Dorothée Perdreaux, Flavie, comme nous
l'avons vu, faubourg St Jacques. Il fallut procéder à
un partage, le conseil d'État trancha le différend entre
les 2 maisons. Port Royal fut divisé en 2 couvents
distincts : celui de Paris, avec une Abbesse perpétuelle
à la nomination du Roi, celui des Champs, avec une Abbesse
élective de 3 en 3 ans. Paris n'eut que le tiers des
biens, mais on lui donnait, en dehors de ce tiers , toutes les maisons
bâties autour du monastère, en somme, Port Royal des
Champs se trouvait lésé, une communauté.
comprenant une douzaine de personnes, obtenait autant, sinon davantage,
qu'une autre, qui comptait 68 Religieuses et 16
Converses.
- Retour au Monastère
Port Royal
s'inquiétait peu des injustices de cette sorte, le
monastère était reconstitué dans le lieu
même qui avait été son berceau, où il avait
vécu (IV siècles), où la volonté d'une
pieuse Abbesse l'avait régénéré et
appelé à une vie nouvelle. Les 10 années qui
suivirent furent 10 années de gloire et de rayonnant
déclin. C'est ce que Ste Beuve a appelé "l'automne de
Port Royal". A vrai dire, il n'y a plus d'école de
garçons, les dévots pédagogues, qui ont
formé Racine et Tillemont, n'instruisent plus de nouveaux
élèves. Mais les jeunes filles pensionnaires se
multiplient, les bâtiments se pressent dans la vallée
étroite, serrés autour du clocher de l'abbaye. Mme de
Longueville repentie, Mlle de Vertus y ont leurs petits hôtels. A
côté des pénitents et des pénitentes, se
groupent autour de Port Royal un certain nombre de protectrices et
d'amis dévoués, la princesse de Conti, la duchesse de
Lianceurt, Mlle de Sablé, Mme de Sévigné, Boileau,
La Fontaine lui même, Racine lui ne reviendra qu'un peu plus
tard, mais alors exclusivement et de toute son âme. C'est ainsi
que Ste Beuve, sans briser le cadre de son sujet, a pu ordonner
autour de Port Royal presque toute l'histoire de la
société et des "Lettres Françaises" pendant les plus
belles années du (XVIIème siècle).
Tant
de sympathies, tant de visites, tant de pèlerins religieux ou
séculiers, tant de carrosses arrêtés devant la
porte du monastère, allaient finir par attirer la
méfiance du Roi, toujours mal disposé pour Port Royal.
Tant que vécut la Duchesse de Longueville, la persécution
n'osa s'exercer contre une oraison qu'elle protégeait, mais
à sa mort, survenue le 15 avril (†1679), le pouvoir, qui n'avait
plus personne à ménager, reprit les hostilités
avec une brusquerie et une violence bien faites pour surprendre ceux
des membres de la petite communauté qui s'étaient
abandonnés à la douceur de cette paix menteuse. Au mois
de Mai (1679), l'archevêque de Paris, M. de Harlay, vient
à <Port Royal des Champs et exige le renvoi des novices, des
pensionnaires, des confesseurs et des Solitaires. 34
pensionnaires, 13 postulantes et 17 ecclésiastiques ou
séculiers, logés au dehors, quittèrent Port Royal.
La suppression des novices était l'arrêt de mort de la
communauté, on lui enlevait le moyen de se recruter, le nombre
des religieuses, qui était alors de 63 , va donc
diminuer chaque année, et peu à peu, par voie
d'extinction, le monastère s'achemine vers sa ruine. Vers la fin
du siècle, la communauté, selon le mot de Harlay,
n'était plus qu'une infirmerie. En (1705) il ne restait que
25 religieuses dont la plus jeune avait 60 ans. La fin de
Port Royal n'était donc plus qu'une question de jours. Si ses
adversaires avaient eu un peu de patience, ils l'auraient laissé
mourir de sa belle mort. Mais à la fin, la rancune du Roi ne put
s'accommoder de ces délais, et on extermina par la, violence ce
qui allait s'éteindre naturellement.
- La fin de Port Royal
Cependant, M. de
Noailles, qui, en (1695), succéda à Harlay comme
archevêque de Paris, était mieux disposé que son
prédécesseur en faveur de Port Royal. Il demanda
même au Roi le rétablissement du noviciat. Louis XIV se
garda bien de donner suite à cette démarche. Pourtant, un
dernier répit allait être accordé à
Port Royal, quand la maladresse du confesseur des religieuses, M.
Eustace, par un écrit imprudent, appelé le Cas de
Conscience, qu'il fit signer à 40 docteurs de la
Faculté de Théologie, ranima tout d'un coup, en (1701),
les vieilles querelles des 5 Propositions et du Formulaire, et fut
ainsi pour les quelques religieuses, l'auteur inconscient des derniers
malheurs. Toutes les vieilles passions antijansénistes reprirent
feu tout d'un coup. Le Cas de conscience fut condamné à
Rome en février (1703). 3 mois après, le P. Quesnel
était arrêté à Bruxelles, la saisie de ses
papiers, en paraissant donner raison à ceux qui affirmaient
l'existence d'un parti et d'un complot Jansénistes. En montrant
combien les idées des St Cyran, des Pascal et des Arnauld
retrouvaient de faveur auprès des jeunes théologiens,
vint encore aggraver la situation de Port Royal.
Le
Pape Clément XI accorda, le 15 juillet (1705), aux
sollicitations de Louis XIV, une bulle contre le Jansénisme, qui
renouvelait et confirmait les anciennes, et exigeait la signature d'un
nouveau formulaire. Il fallait proclamer le livre de Jansénius
infecté d'hérésie. Ceux qui avaient machiné
ce dernier coup connaissaient bien Port Royal, ils savaient que ces
pieuses filles se laisseraient briser plutôt que de consentir une
déclaration pareille. En effet, quand, en Mars (1706), la bulle
et le mandement de l'Archevêque de Paris, qui l'accompagnait,
furent présentés à Port Royal, les religieuses ne
voulurent signer qu'un certificat restrictif. Les représailles
ne se firent pas attendre , en Avril (1706), l'Abbesse étant
morte, M. de Noailles s'opposa à ce qu'on procédât
à l'élection ayant pour luit de pourvoir à son
remplacement. Un peu plus tard, vers la fin de (1706), Port Royal de
Paris, qui, depuis (1669), n'apparaît que pour dépouiller
son aîné, demanda que l'arrêt du partage fût
révoqué. Ce couvent s'était endetté, et
trouvait bon que celui des Champs payât ses dettes. En
février (1707), un arrêt du Conseil donna raison à
ces prétentions injustes.
Les
religieuses de Port Royal des Champs étaient obligées
à réduire au nombre de 10 leurs domestiques et toutes
personnes vivant aux dépens de la communauté. Mais en
vraies filles de parlementaires, elles ne cédèrent pas
sans avoir recours à toutes les procédures. Elles se
défendirent contre ces arrêts, formant oppositions sur
oppositions, si bien qu'à la fin leur obstination impatienta
Louis XIV. Il stimula le zèle un peu tiède de Noailles,
toujours suspect de faiblesse à l'endroit des
Jansénistes, et l'Archevêque en vint aux rigueurs. Il leur
enlève leur confesseur, les prive de la communion une ordonnance
de Novembre (1707) lance contre elles l'excommunication, enfin, leurs
biens temporels furent saisis, et, si, pendant 2 ans elles ne
manquèrent néanmoins de rien, ce fut grâce au
zèle de leurs amis. C'était une existence bien
précaire, bien réduite, mais que Port Royal pouvait
prolonger encore assez longtemps. Louis XIV se sentait vieillir, il
était excité par son confesseur Jésuite, le P.
Tellier, et il semble bien qu'il s'était promis de consommer,
avant de finir son règne, la ruine du monastère. Sinon,
comment expliquer ses derniers appels à l'intervention du pape?
Une 1ère bulle obtenue ne fut pas trouvée assez
rigoureuse. Elle réunissait le Port Royal des Champs à
celui de Paris, et proclamait sa suppression, mais laissait aux
religieuses jusqu'à leur mort la jouissance de leur
monastère.
Le
Roi était trop vieux pour attendre un pareil délai, il
insista donc auprès du Pape, qui lui accorda par une nouvelle
bulle la dispersion immédiate des religieuses. Le 11 Juillet
(1709), l'Archevêque de Paris promulgue leur suppression. 3
mois après, l'Abbesse de Paris vient prendre possession des
biens. On refuse de lui ouvrir. Enfin, le 29 Octobre (1709), eut lieu
la fameuse expédition de M. d'Argenson à Port Royal des
Champs. Ce fut la grande scène du dénouement, la
catastrophe, et elle a été racontée par tous les
historiens Jansénistes. Le lieutenant de police se
présenta au monastère, entouré d'exempts, de 300
mousquetaires, et suivi d'une douzaine de carrosses. Il se fit
ouvrir les portes, se saisit des papiers, assembla les 15
Religieuses et 7 Converses dans la salle du Chapitre, et leur
communiqua l'ordre du Roi, le soir même, il les fit monter 1
à 1 ou 2 par 2 , suivant les dispositions
arrêtées, dans les voitures qu'il avait amenées, et
qui devaient les conduire à Rouen, à Compiègne,
à Nevers, à Blois, à Nantes, etc., où elles
furent enfermées dans les couvents qu'on leur avait
assignés pour retraite, ou plutôt leur prison. Beaucoup,
de gré ou de force, signèrent des Formulaires, la Prieure
et une Religieuse refusèrent et moururent Excommuniées.
- La Profanation
On se demanda pendant
quelque temps ce qu'il convenait de faire de Port Royal
abandonné; 12 archers laissés en garnison l'avaient
consciencieusement pillé. On avait songé à y
transférer le Monastère de Paris où les
Jésuites voulaient établir un séminaire, mais ce
projet était loin de sourire à l'Abbesse et à ses
religieuses, qui n'avaient nul désir d'aller s'enfouir en un
désert. Elles le firent donc écarter avec l'aide des
Sulpiciens et obtinrent la démolition du monastère. Alors
le Roi décida que rien ne devait plus survivre de ce qui avait
été Port Royal des Champs, que les bâtiments
devenus inutiles, restant d'un entretien dispendieux, seraient
rasés. Les démolitions, adjugées le 8
Février (1710) aux entrepreneurs, commencèrent à
partir de Juin (1710). Il avait d'abord été question de
respecter la chapelle. On se ravisa 2 ans après, et
l'église, qui, sous la Fronde, avait offert son toit aux pauvres
gens, qui avait servi d'asile spirituel aux âmes les plus nobles
du siècle, fut livrée à la pioche des
démolisseurs. Sous ses dalles, et dans le cloître voisin,
reposaient les restes de près de 3.000 fidèles,
toutes ces sépultures furent violées, et, pendant des
mois, le vallon, dont Racine avait célébré les
sources et les ombrages, fut transformé en un vrai charnier,
autour duquel se passèrent des scènes ignobles de
profanation et de sauvagerie.
Beaucoup
de corps étaient bien conservés, on les empila dans la
chapelle; les fossoyeurs les dépouillèrent de leurs
vêtements, hachant les membres à coups de bêche,
laissant les chiens dévorer les chairs, Pomponne, petit fils
d'Antoine Arnauld, fit transférer à Palaiseau les restes
des membres de sa famille, ceux de Racine furent portés à
l'église St Étienne du Mont, d'autres à Magny
les Hameaux, la grande masse, entassées dans une fosse commune
creusée dans le petit cimetière voisin de St Lambert. Les
dalles des tombes achetées en grande partie par le curé
de Magny servirent à paver son église, quelques unes
à faire des tables de cabaret. Avec les matériaux de la
chapelle et du cloître, on bâtit les écuries du
château de Pontchartrain. Le vallon de Port Royal fut,
jusqu'à la Révolution, propriété des Dames
de St Cyr, puis il fut vendu comme bien national et racheté par
les descendants des anciens Jansénistes en (1825). Une
surenchère de 40.000 F offerte, crut on, par un affilié
des Jésuites, fut refusée par le vendeur. Silvy et la
société de St Antoine se sont efforcés de
restaurer les souvenirs de ce glorieux passé. Il en subsiste en
(1900) les murs de clôture du (XVème siècle),
plusieurs tours de défense du (XVIIème siècle), un
colombier du (XVIème siècle), les fondations de la
chapelle qui datent du (XIIIème siècle), les caves de
l'habitation de Mlle de Vertus, des traces du canal et de
l'étang. On a reconstitué la fontaine dite de la
Mère Angélique, la Solitude, au pied d'une croix de
bois. Sur l'Abside de l'ancienne église, on a
édifié une chapelle Gothique qui sert de musée,
où l'on a réuni un certain nombre de souvenirs et de
reliques.
- Port Royal de Paris
Au 123, Bd de Port Royal, 75014 Paris. Dans
l'enceinte de l'hôpital Cochin subsistent la chapelle, le choeur
des religieuses, la Salle Capitulaire, le cloître. Une messe est
célébrée chaque dimanche à 10h30 dans la
chapelle, de Septembre à la Pentecôte.
Devenu un moment prison, les bâtiments trouvèrent
rapidement leur affectation actuelle de Maternité. Le
cloître est intact. Avec l'Eglise, le choeur des Religieuses, la
Salle du Chapitre et les façades, il a été
classé Monument Historique en (1931).
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