retour menu
Glossaire
Apogée - Bretagne
photos

- L'Historique des Enclos

Les enclos paroissiaux complets, sont composé d'une porte monumentale ou arche triomphale "porz a maro - porte de la mort", généralement très décorée, pour symboliser l'entrée du juste dans l'immortalité, cette porte souligne la notion de passage que l'on retrouve dans tous les rites liés à la mort issus de la culture Celtique, d'autre passages plus discrets sont aménagés dans l'enceinte, d'un Cimetière très petit aux dalles uniformes, d'une Chapelle Funéraire ou Ossuaire, d'une Eglise, et d'un Calvaire, le tout entouré d'un muret. Tous ces éléments ne sont pas toujours présents, soit qu'ils aient été supprimés, soit que l'enclos n'ait jamais été complet. Situé au centre de l'agglomération, l'Enclos Paroissial est un domaine considéré comme sacré par l'habitant d'une commune Bretonne. Chaque dimanche, il y retrouve ses proches, vivants comme morts. Le paysan breton venait avec sa vache au licou, et souvent ses animaux, bétail, cochons, etc., à la messe, il y a 50 années les chiens circulaient librement dans les églises. Une dalle de pierre, lorsqu'elle existe encore, placée verticalement, à l'entrée de l'enclos, oblige le visiteur à l'enjamber. On a longtemps cru qu'elle devait empêcher les animaux d'entrer, rien n'est moins sûr, mais certainement à les empécher de sortir. Il n'a jamais été interdit aux bêtes l'accès à ses sanctuaires. Cette institution est commune à toute la Bretagne, les monuments les plus remarquables aujourd'hui se situent entre Léon et Cornouaille.

Aux (XVIème siècle) et (XVIIème siècle), la Bretagne était riche et le sentiment religieux très fort. Ces 2 éléments étaient grandement à l'origine de la prolifération des enclos paroissiaux. En effet les paroisses, en plus du revenu des propriétés et fermes, bénéficiaient beaucoup de la prospérité générale. D'importants dons en nature, coupons de toile, animaux etc., étaient faits à la sortie de la messe dominicale aux "fabriques", notables élus chaque année pour gérer les biens de la paroisse. Des ventes aux enchères avaient parfois lieu tout de suite après devant l'église et rapportaient énormément d'argent. Avec l'accord et le soutien des fidèles, les paroissent se lancaient dans l'édification des enclos paroissiaux. C'étaient des signes extérieurs de richesse à la gloire de Dieu. Le phénomène de concurence et d'émulation entre bourgs et villages intervenait aussi. Les paysans pauvres éprouvaient de la fierté à posséder la plus belle église de la région, au même titre que les nobles locaux. Ceux ci, en revanche, en y consacrant tant d'argent, donnaient l'impression de se faire pardonner d'être riches. Beaucoup de calvaires furent érigés pour conjurer la peste de (1598) ou en action de grâces après sa disparition.

C'est Louis XIV qui amorca la chute de l'art Breton en provoquant, pas sans arrière pensées politiques, l'affaiblissement économique de la Bretagne. Puis les guerres avec l'Angleterre, où les Bretons vendaient du lin, faisaient bien évidemment cesser tout commerce. Le coup de poignard final était un édit du Roi de (1695) interdisant toute construction nouvelle sans nécessité reconnue. Ainsi la Bretagne cessa toute production de grand empleur.

Il faut garder à l'esprit que les églises et calvaires étaient dans leur jeunesse polychromes. Les diverses parties des enclos étaient commanditées par les Fabriques, commités de bourgeois et paysans aisés locaux, et exécutées par des artistes de pays formés à leur art et de talent reconnu. Les matières 1ères venaient directement du Massif Armoricain, bois, granit, kersantite, cette roche d'origine volcanique extraite prés de Kersanton présente paraît il la particularité de se laisser travailler facilement et de durcir aprés. Une véritable concurrence existait entre les paroisses sur la beauté de leurs enclos, chacune essayant de faire mieux que ses voisines, plus beau, plus grand. Ils sont fortement liés aux rites processionnels propres à la Bretagne Chrétienne. Bâtis du milieu du (XVème siècle) jusqu'au (XVIIIème siècle), ils sont la marque de l'attachement de la Bretagne rurale à sa foi Catholique. Le Morbihan offre un magnifique enclos du (1550) à Guéhenno, unique enclos paroissial du département et véritable perle architecturale.

- Les églises

On y rentre généralement par le porche Sud, où les apôtres sont représentés. Les niches sensées accueillir leurs statues en granit peint sont malheureusement souvent vides, n'ayant pas résisté au temps, et notamment pas à la Révolution. Parfois, les blasons des familles nobles locales sont également représentés. Certains se sont également vus rognés à la Révolution. Le porche Sud servait souvent de lieu de rénion aux notables de la ville.

Les églises Bretonnes renferment souvent de splendides retables et jubés en bois, polychrome ou non, de somptueux buffets de grandes orgues magnifiquement décorées, baptistères et bannières, retables de bois ou de pierre d'une polychromie éclatante et surtout d'étonnantes statues de Saints. Il y a tout ça un peu partout en France aussi, mais pas dans de si petites églises, en aussi grande quantité, dans une aussi étroite région géographique. A Landerneau, une église, renferme la seule statue, de toute la chrétienté à notre connaissance, de la vierge Marie, allongée, en bois, les seins dénudés.

La messe a priori était vécue trés différemment suivant les gens, tandis que les plus pieux écoutaient la messe prés du curé, les autres discutaient des dernières nouvelles ou réglaient leurs différends, parfois même violemment dans le fond, ou sous le porche.

- La voûte

En Bretagne, les voûtes des églises sont le plus souvent en bois, sauf dans les cathédrales, les abbayes et les églises commandées par la haute noblesse, pour lesquelles on importait de la pierre calcaire. Le bois était plus facile à travailler en voûte et moins lourd que le granit ou le schiste, de plus, les forêts étaient nombreuses en Bretagne. Bien souvent, la construction de ces voûtes était confiée à des charpentiers de marine, nombreux dans la région. cela explique la forme de carène de bateau renversée. La voûte repose sur des sablières richement sculptées, inspirées de celles de La Roche Maurice, on peut y voir des dragons, plutôt bienfaisants, d'inspiration Normande, des scènes de la vie quotidienne, parfois des scènes profanes. Elles portent souvent les noms des architectes, des artisans ou des personnes qui ont commandé l'église. Elles étaient généralement peintes de couleurs vives. C'est une particularité de notre époque d'apprécier les matériaux à l'état brut.

- Le Calvaire

Le Calvaire dresse au dessus des morts la protection de la Croix, et atteste la Sainteté de la terre où il reposent. Il est comme une Croix Processionnelle à jamais immobile, élevée sur les hommes et les femmes qui ont été fixés en ce bourg pour leur pélerinage terrestre. Il est un tableau vivant de Catéchisme qui déroule ou résume tout l'Evangile, de l'Annonciation à l'Ascension, ou même toute l'histoire du salut, de la chute originelle au jugement dernier. Il est un signe de dévotion perpétuelle dédiée par la paroisse à Dieu et à sa Mère, à ses Anges et à ses Saints, et en particulier à celui sous le patronage duquel elle est placée.

Le Calvaire donne toute sa signification à l'Enclos. Il est non seulement un enseignement, mais il donne le sens de la vie présente et à venir, autour du Christ en croix. Relatant par ses sculptures expressives, des épisodes de la vie de Jésus et de la Vierge Marie, narrant les épisodes de l'histoire Sainte, véritable livre d'images en granit, il est "la bible des pauvres". Les calvaires avaient donc une fonction pédagogique prononcée tout autant que mystique. Certains historiens n'hésitent pas à dire que ces Calvaires et les croix des chemins, comme on en rencontre des milliers dans la campagne Bretonne, sont une extension du Menhir Christianisé. En fait ils sont la présence permanente que le chemin de la vie est un chemin où le Christ est à nos côtés.

Les Sculpteurs choisissaient les scènes au gré de leur inspiration, sans les grouper de façon chronologique. Certaines se reconnaissent au 1er coup d'oeil, d'autres, plus au moins abîmées, sont traitées plus sommairement. Aux récits de l'Evangile s'ajoute la vie des Saints locaux, qui ont prêché et vécu l'Evangile. Pour héberger tous les personnages, qu'on s'amuse de voir parfois vêtus à la mode Bretonne de l'époque, le socle s'agrandit, les consoles se multiplient. Un calvaire est toujours rigoureusement orienté, selon la tradition, le Christ serait mort en faisant face au couchant, sa croix est donc toujours tournée vers l'Ouest.

- L'Ossuaire

Autrefois, les morts étaient enterrés dans l'église même, sous les dalles, le plus prés possible de l'autel pour les plus riches. Ces sépultures étaient communes. On honorait Les Morts et non pas Ses Morts. La notion de cimetière que nous connaissons n'était pas implantée en Bretagne! Bref, ces sépultures arrivaient rapidement à saturation, et les conditions d'hygiène étaient tout à fait déplorables. C'est ainsi que, dans un 1er temps, les ossuaires furent construits pour servir à entreposer les ossements au fur et à mesure qu'ils étaient exhumés pour faire de la place aux nouveaux arrivants dans le cimetière.

Ce sont de véritables chefs d'oeuvre d'Architecture qui témoignent de la ferveur de ceux qui les ont construits. Pour connaître l’âme Bretonne, il faut passer nécessairement par la connaissances des Enclos Paroissiaux. Ainsi n'est il pas exagéré de dire que le calvaire était l'âme matérielle des paroisses, et par là, de la Bretagne tout entière. Après avoir pénétré ces enclos, vous comprendrez mieux la violence des réactions de la population Bretonne au moment de la Révolution Française. A partir de (1630), toute une armée de prêtres et de missionnaires s'appliquèrent, par souci d'hygiène et d'uniformisation, à combattre ce particularisme Breton: l'apparition des cimetières fera perdre leur utilité aux ossuaires qui seront alors reconvertis en chapelles, écoles, et aujourd'hui en musées, lieux d'expositions, ou entrepôts à poussière.

- Le Cimetière.

La Porte monumentale ou Arche triomphale, généralement très décorée, symbolise l'entrée du juste dans l'immortalité. Elle souligne la notion de passage que l'on retrouve dans tous les rites liés à la mort issus de la culture Celtique. Dans cette enceinte, le cimetière est petit. Il est attenant à l'église, signifiant que la mort n'éloigne pas le défunt de sa communauté paroissiale. L'ensemble présente, malgré la variété des édifices, une très belle harmonie, une unité de lieu quasi théâtrale.

Le nom de la porte, porz a maro - porte de la mort, et souvent la présence de l'Ankou, cet étrange personnage Féminin, symbole de la mort et de la misère, qui le décore parfois sous la forme d'un Squelette tenant une faux ou un arc avec des flèches, pourrait laisser croire que le Breton possédait une vision profondément morbide de l'existence. Il n'en est rien. Grâce à l'héritage de sa foi Celte, il pratiquait plutôt une cohabitation avec la mort.

L'enclos est donc avant tout le domaine symbolique de rencontre entre le monde des vivants et celui des défunts, entre le sacré et le profane. On ne cache pas la mort. Elle n'est pas honteuse comme à notre époque. On apprend à vivre avec, dans un rapport évidemment teinté de merveilleux, d'allégorie et de poésie. Le terrain du cimetière étant limité, les reliques des morts devaient être fréquemment exhumés pour laisser la place aux nouveaux défunts. D'où une chapelle funéraire ou Ossuaire, où l'on déposait les ossements soit dans de petits réduits, qu'on élevait contre l'église ou le mur du cimetière. Puis ces Ossuaires sont devenus des bâtiments isolés, plus vastes, plus soignés d'exécution. Ils ont pris la forme de reliquaires et ont servi de Chapelles Funéraires.

Les cimetières ne sont pas une tradition trés ancienne en Bretagne. Avant, seuls les étrangers dont on doutait de la religion et les enfants morts sans avoir été baptisés n'étaient pas enterrés dans l'église, mais en dehors, dans ce qui est aujourd'hui le cimetière. Sort peu enviable si l'on s'inquiète du devenir de ses ossements. En effet, ce lieu clos cernant l'église servait également à parquer les animaux pendant les fêtes. Il n'était donc pas rare de voir quelques os exhumés par le groin d'un cochon.

Haut de page